La Croatie a longtemps été une place forte du naturisme, ses criques reculées attirant sur la côte adriatique des touristes de toute l’Europe. Mais les adeptes s’y font de plus en plus rares et âgés et le pays cherche comment relancer la machine.
« Pour moi, le naturisme, c’est la liberté », dit Dusan Salomon, un Slovène de 65 ans qui vient depuis plus d’un demi-siècle à Koversada, le plus grand camp naturiste de Croatie, où l’on déambule nu pour les activités extérieures mais où l’on est prié de s’habiller pour entrer dans les restaurants et les magasins.
Dusan et son épouse Katarina expliquent avoir la chance que leur fille et leur petit-fils de 20 ans goûtent aussi ces vacances à Koversada, un immense complexe de 100 hectares en Istrie (nord-ouest), une péninsule toute proche de l’Italie. Car la clientèle est en quasi totalité âgée de plus de 40 ans : « Pour les générations plus jeunes, le naturisme n’a tout simplement pas l’attrait qu’il avait pour leurs parents », soupire Nenad Skuflic, manager à Adris Group, l’entreprise qui gère Koversada.
Le camp actuel peut accueillir jusqu’à 6 000 touristes, dans des tentes, des camping-cars ou des appartements – une clientèle quasi exclusivement étrangère, les Croates faisant peu de camping et fréquentant peu les structures du tourisme organisé en Croatie. Cela peut sembler beaucoup mais on est loin des 15 000 campeurs naturistes qui se pressaient là l’été au début des années 1980.
A l’époque, la Croatie était derrière la France et avec l’Allemagne l’un des leaders européens du naturisme, relève Jerko Sladoljev, fondateur de l’association des campings de Croatie et ancien dirigeant de l’association du tourisme d’Istrie.
Une tradition qui remonte aux années 30
Premier camp naturiste commercial d’Europe, Koversada a été fondé en 1961. Ce mouvement en Croatie avait déjà une solide tradition qui remontait aux années 1930. Sur l’île de Rab (nord), le roi d’Angleterre Edouard VIII avait suscité un immense scandale en 1936 en se baignant nu avec son amie américaine Wallis Simpson, pour qui il allait renoncer à la couronne d’Angleterre. « Tous les plus grands journaux européens en ont parlé. Cela a fait une immense publicité au naturisme, dont nous avons tiré le meilleur profit sans même nous en rendre compte », dit Jerko Sladoljev.
Sur cette île de Rab, un Autrichien, Richard Ehermann, avait créé durant la même décennie un camp naturiste pour répondre à l’interdiction par Adolf Hitler de tels sites en Allemagne, berceau du mouvement.
Plus que 9 camps encore en activité
De cette longue tradition, la Croatie, bien que très catholique, a longtemps retiré une plus grande tolérance à la nudité sur les plages que des pays latins comme l’Italie et l’Espagne. Le communisme titiste, qui a gardé à distance l’influence de l’Eglise, est une autre raison de cette tolérance. Au milieu des années 1980, la Croatie comptait 34 camps naturistes. Mais leur succès s’est fané avec l’émergence de camps naturistes italiens ou espagnols dans les années 1980, puis avec la perte d’audience du mouvement.
Aujourd’hui, il ne reste plus que neuf camps en Croatie. Les adeptes du naturisme rêvent de renouer avec la belle époque en Croatie. Beaucoup estiment que le pays doit, pour ce faire, miser sur le haut de gamme, en privilégiant les petites structures – petits campings ou lotissements de maisonnettes et petits appartements – afin de créer un « marché de niche », dit Jerko Sladoljev.
L’an passé, 19 millions de touristes sont venus en Croatie, la plus grande partie d’entre eux pour la seule côte adriatique. Dont seulement 300 000 nudistes, surtout allemands, slovènes, autrichiens et néerlandais, selon les estimations de la Fédération des naturistes croates. Mais un touriste sur 10 nage occasionnellement nu sur cette côte adriatique riche de criques abritées des regards, d’après cette fédération.
C’est sur le haut de gamme qu’a parié Valalta, un autre camp naturiste d’Istrie créé à la fin des années 60 et qui a été rénové pour séduire la clientèle contemporaine. La direction a récemment investi dans de nouveaux appartements, dans l’aménagement de plages et d’infrastructures pour les enfants. Et depuis 2013, il est régulièrement désigné comme l’un des meilleurs camps de vacances d’Europe par l’Auto Club allemand ADAC, tous types confondus
LQ/AFP