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Nasida Ria : mamies chanteuses et idoles des Indonésiens


Nasida Ria cumule plus de 50 000 écoutes chaque mois sur la plateforme de streaming Spotify et quelque 38 000 abonnés sur Instagram. (Photo : afp)

Formé il y a près de 50 ans, le groupe féminin Nasida Ria s’est réinventé en formation pop mêlant islam et humour dans des chansons affrontant des thèmes comme les tensions économiques ou la bombe atomique.

Devant des milliers de jeunes Indonésiens, la chanteuse sexagénaire Rien Djamain s’élance sur la scène d’un festival de Jakarta, accompagnée d’une mélodie joyeuse qui évoque la menace des bombes nucléaires. Vêtues d’un hijab ainsi que d’une robe noire et argentée couverte de sequins, les musiciennes du groupe féminin Nasida Ria accompagnent la voix suave de la chanteuse au son de bongos, violons, mandolines, flûtes en bambou et tambourins. «Maudit créateur de la bombe atomique. Pourquoi convoquer le jugement dernier?», chantent-elles dans le morceau Bom Nuklir. Les jeunes fans se balancent en cadence sur ce morceau macabre et encouragent leur musicienne préférée en criant «Umi!» («mère!», en arabe).

Formé il y a 47 ans comme un groupe de récitation du Coran, la formation rassemble à présent des dizaines de musiciennes qui mélangent allègrement l’héritage musical arabe et la musique populaire indonésienne dangdut, longtemps considérée comme vulgaire et démodée. Leurs chansons pop, mêlant islam et humour sur des thèmes sérieux, comme la justice ou les droits de l’homme, ont séduit une jeune génération à la recherche d’un peu de légèreté.

Un groupe «plus que cool»

Profitant du renouveau de la scène musicale indonésienne, le groupe aux chansons amusantes a trouvé une nouvelle notoriété. Dans ses textes, truffés de métaphores et de comparaisons, il compare les séducteurs à des «chauves-souris ingrates» et souligne que «les singes aiment porter des armes, et les humains montrer leurs tétons». Fathul Amin, un fan de 22 ans, juge le groupe «plus que cool». «Parce que tous ses membres sont des femmes qui jouent plus de trois instruments.»

De nombreuses expressions hautes en couleur du groupe sont devenues des mèmes très populaires, largement partagés sur les réseaux sociaux. «C’est comme ça que les jeunes communiquent aujourd’hui et ça nous convient. Mais le plus important, c’est que ça montre que les messages de nos chansons sont convaincants», estime Rien Djamain. «Je suis reconnaissante qu’en dépit de l’âge avancé d’une majorité des membres du groupe, Nasida Ria soit toujours aimé par les jeunes. Et que notre musique leur plaise.»

Maudit créateur de la bombe atomique. Pourquoi convoquer le jugement dernier?

Les goûts musicaux évoluent en Indonésie. En parallèle des hits occidentaux, le public apprécie de plus en plus les musiques mêlant sons traditionnels – comme le dangdut –, paroles javanaises ou reggae chanté dans des dialectes de l’est de l’Indonésie. Cette tendance rend la musique de Nasida Ria plus actuelle que jamais, selon le journaliste musical Shindu Alpito. «La nouvelle génération apprécie la musique qui a le sens de l’humour. Elle est attirée non seulement par l’esthétique de la musique, mais aussi par l’aspect comédie musicale», dit-il.

La musique populaire dangdut, qui était plutôt jouée dans les villages, a vu sa popularité croître. Des groupes sont désormais invités à des festivals à travers l’Indonésie pour jouer devant un public de jeunes aux côtés de groupes de rock. «De nombreux jeunes à Jakarta redécouvrent la musique locale. Ils décrivent ce type de musique comme un « plaisir coupable »», dit le critique. «Les chansons islamiques sont en général sérieuses, avec des paroles qui font référence aux enseignements du Coran. Pourtant, Nasida Ria a charmé un public plus large à travers un style qui est facile à comprendre et amusant.»

500 000 abonnés sur Youtube

La plus jeune musicienne de Nasida Ria, Nazla Zain, 27 ans, attribue le succès du groupe aux nouvelles technologies qui permettent à un public provenant de tous les horizons d’accéder à leur musique. «Nous restons à la mode en utilisant YouTube et d’autres applications.» «Comme ça, les jeunes peuvent écouter nos chansons sur les smartphones. C’est pour cela qu’ils nous apprécient.»

Elles ont vu le nombre de leurs abonnés sur YouTube multiplié par six depuis mars 2020, à près de 500 000. Nasida Ria cumule aussi plus de 50 000 écoutes chaque mois sur la plateforme de streaming Spotify et quelque 38 000 abonnés sur Instagram. «C’est très cool qu’elles se produisent sur scène à leur âge», confie Ricky Prasetyo, un fan de métal et de punk.

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