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[Musique] Tiken Jah Fakoly : « Acoustique ou électrique, je suis fatigué quand même !»


Changement de cap pour Tiken Jah Fakoly : après l’électrique, l’artiste ivoirien revisite les titres de son répertoire en acoustique. Son combat, lui, reste le même. Rencontre.

Figure majeure du continent africain et du reggae, porte-parole des sans-voix et critique des dirigeants corrompus, Tiken Jah Fakoly mène depuis une bonne vingtaine d’années une carrière exemplaire, faite d’albums militants et de prestations scéniques explosives. Mais, à 55 ans, il a décidé de calmer le jeu en passant en mode acoustique, d’abord sur un disque sorti en février, puis dans une tournée de passage samedi à la Kulturfabrik. En compagnie de six musiciens, de deux choristes, d’instruments traditionnels et de percussions, il a revisité ses racines et ses titres phares devant 850 fans acquis à sa cause et son discours. Confidences à chaud.

Comment vous sentez-vous après un tel concert?

Tiken Jah Fakoly : Je me sens bien. Le public était là, il y avait une belle énergie. Voir que tout le monde est content, ça fait plaisir.

Physiquement, un set acoustique est-il plus facile à gérer qu’un set électrique?

Au départ, je pensais que ça allait être plus facile, que j’allais moins bouger. Mais ça, je n’y arrive pas (il rit). Alors au final, acoustique ou électrique, je suis fatigué quand même!

Êtes-vous surpris du succès de cette tournée, différente de celles qui ont jalonné votre carrière?

Honnêtement, oui. Quand j’ai monté ce projet, la question qui me revenait tout le temps en tête, c’était : « est-ce que mon public va apprécier? ». Aujourd’hui, j’ai la réponse : en dehors des festivals, depuis que l’on a commencé la tournée, on fait le plein tous les soirs. Mieux : ça amène un nouveau public, qui me découvre à travers cette version acoustique. Je ne m’attendais pas à ça. Pour tout ça, avec du recul, c’était une bonne idée.

Partir sur un album, puis sur une tournée acoustique, était-ce un pari, une façon de sortir de votre zone de confort? 

Faire un album acoustique, c’est un vieux rêve. C’est une musique qu’écoutait mon père. L’entendre fredonner des airs de Salif Keïta me ramène à ma jeunesse. J’ai grandi avec ça, donc, je me savais capable de le faire. Restait juste cette interrogation : les gens allaient-ils apprécier ou non?

L’acoustique, et ses multiples instruments traditionnels, est-ce aussi une façon de retourner à vos souvenirs d’enfance?

Complètement. D’ailleurs, les pas de danse que je fais sont ceux de ma mère. Je l’accompagnais souvent, je la voyais bouger… Je n’avais jamais fait ça auparavant, mais je me débrouille bien, non? (Il rit). Ça me fait chaud au cœur de penser à elle sur scène et de parler de cette tradition qui la représentait, elle comme l’Afrique.

Il y a aussi une tradition acoustique dans le reggae jamaïcain. Vous en sentez-vous proche? 

Vous savez, les Jamaïcains sont foncièrement africains. Beaucoup de chansons que l’on retrouve dans le reggae parlent d’ailleurs de ça. Ils aiment leur pays, mais ils ont le même sang, les mêmes racines que nous. Alors oui, il doit y avoir certaines ressemblances dans ma musique.

Revisiter vingt-cinq ans de répertoire à travers ses titres phares, est-ce une façon de tirer un bilan?

Tout à fait. Dans une vie, parfois, il arrive qu’un bilan s’impose : ça permet de regarder en arrière, de voir tout le chemin parcouru, pour mieux apprécier le présent.

Êtes-vous fier de cette carrière?

Oui, car je suis parti de rien. Il n’y avait pas de Star Academy à mon époque (il rit). J’habitais dans le fin fond du nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Avoir accès à la télévision, jouer sur des instruments de qualité, tout ça, c’était compliqué… En arriver là où j’en suis, ça n’a pas été évident. Je me rappelle encore mon premier concert à Paris, sur un tout petit bateau. Je n’étais pas une figure connue de la scène africaine : le Zénith ou l’Élysée Montmartre, ce n’était pas pour moi. Du moins, au début.

L’Afrique, c’est mon inspiration, la raison de mon combat

Où en êtes-vous de vos relations avec l’Afrique?

L’Afrique, c’est mon inspiration, la raison de mon combat. Comme je le dis au début du concert, ce continent est un paradoxe : il est riche par sa nature, ses matières premières et sa jeunesse, mais il vit dans une situation extrêmement précaire. J’ai envie de réveiller mon peuple, de lui dire qu’aujourd’hui on doit réclamer notre part de richesse, se l’approprier. Mais seuls nous pouvons le faire. Et ensemble.

Ce week-end, ce sont les élections européennes, où une percée de l’extrême droite est annoncée. Comment le vivez-vous?

Je suis pour la démocratie, et l’Europe se mettra à la couleur de la majorité des Européens. C’est ainsi, chacun vote comme il veut. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il ne faut pas se replier sur soi-même, car on a toujours besoin des uns ou des autres. Si tout le monde se met dans son coin, alors on va vivre dans un monde qui va fonctionner difficilement. Voilà mon message, et je souhaite bien sûr que l’extrême droite ne gagne pas.

 

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