Retrouvez notre critique de l’album The Hard Quartet.
Il y a d’abord cette pochette, simple mais qui claque, avec ce néon brillant sur fond noir. Afin d’ajouter de l’engouement derrière ce tape-à-l’œil Hard Quartet, il y a aussi l’assurance que l’on a affaire à un «supergroupe», qualificatif fourre-tout qui accouche de bonnes comme de mauvaises surprises, avec, malheureusement, une très forte propension pour ces dernières. C’est que l’ADN même de ces «all-stars bands» invite à l’échec : il y est trop souvent question de carrières à bout de souffle, d’alliances contre-nature et d’égocentrisme avec, au bout, une lutte d’influence jamais bénéfique, artistiquement parlant.
Mais comme il faut se méfier des idées reçues, regardons de plus près cette nouvelle promesse. Il s’agit d’un «super» quatuor qui, comme le suggère le qualificatif, déroule un CV long comme le bras. Il faut dire qu’ils ne sont pas de première jeunesse… Commençons d’abord par le doyen, Jim White, 62 ans, batteur de Dirty Three et collaborateur infatigable depuis plus de trois décennies (Cat Power, PJ Harvey…). Suivent ensuite deux guitaristes : Emmett Kelly (The Cairo Gang, Angel Olsen, Ty Segall) et Matt Sweeney (Skunk, Chavez et Zwan avec Billy Corgan des Smashing Pumpkins). Gardons le meilleur pour la fin avec Stephen Malkmus qui, contrairement aux trois autres, est longtemps resté fidèle à un seul groupe, mais pas n’importe lequel : Pavement, l’un des plus emblématiques des années 1990.
Autant dire que l’on a affaire à des vétérans du rock «indépendant» dont ils ont écrit, chacun de leur côté jusqu’à aujourd’hui, de jolies pages. De quoi être rassuré : cette réunion n’a rien de lucratif et n’est pas née d’un quelconque besoin d’affirmer un style ou une personnalité. Non, tous les quatre sont habitués à l’ombre, seconds couteaux qui préfèrent la liberté à la notoriété. Dans ce sens, The Hard Quartet, c’est un peu comme si d’anciens copains, devenus pères de famille voulant rompre avec la monotonie d’une vie qui roule, décidaient de reformer le groupe de leur jeunesse. Sauf qu’ici, ils ont de l’expérience à revendre et un label de poids pour les épauler (Matador).
Certains morceaux rappellent à quel point Pavement était inspirant, et le reste toujours
C’est ce qu’il ressort de ce premier disque, vraie déclaration d’amour au rock. Celle de quatre mecs qui ont gardé leur âme d’enfant, aiment passer du temps ensemble, à rigoler, à jouer. «Si vous avez une intention, quelque chose se passe dans le son», dit Jim White sur Bandcamp, sans vraiment réussir à se l’expliquer.
Celle-ci pourrait être l’envie de se faire plaisir, tout en restant naturel et honnête. Logique, donc, de trouver chez eux certains vieux réflexes : une forme d’excentricité et des élans blagueurs. Musicalement aussi, avec ces mélodies qui n’en font qu’à leur tête, ces guitares déglinguées et ces voix hésitantes, en décalage. Rappelons que Stephen Malkmus, avec son éternel look d’adolescent, est l’un des totems du «slacker-rock» («rock de glandeur»). Ça pose des intentions…
Rien à envier à la jeune garde
Mais attention, derrière l’apparente nonchalance et désinvolture de ses membres, comme le côté bancal de certaines compositions, The Hard Quartet n’a rien de mineur, et surtout, rien à envier à la jeune garde. Ses compositions, aussi bien pour l’écriture que pour ses écarts pop, sont de haut standing. Et que dire de cette collection de chansons, riche en saveurs et en humeurs. Tout y passe : punk, folk, glam, rock à la cool ou plus énervé… Forcément, dans le lot, certains morceaux rappellent à quel point Pavement était inspirant et le reste toujours des années plus tard (Earth Hater, Rio’s Song, Hey).
En mettant bout à bout quinze titres (dont certains, il faut l’avouer, ne tiennent pas la cadence) pour près d’une heure d’écoute, le «supergroupe» affirme une chose : qu’importent les modes, l’essentiel est de faire ce que l’on aime sans se trahir. Un message qui dénote à une période où l’on préfère une chanson à un disque entier, et où le regard des autres comptes. Eux s’en foutent royalement. Ils n’ont plus l’âge à ça, et ce n’est pas leur époque. Mieux : ils n’ont pas l’intention d’y trouver un sens, et c’est bien là tout leur charme.
The Hard Quartet. Sortie le 4 octobre. Label Matador Records. Genre rock.