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Hugues Aufray : « Chanter est un jeu » (Interview)


Le troubadour français Hugues Aufray sera en concert, samedi, au Casino 2000 à Mondorf-les-Bains avec un programme « best of » que le chanteur annonce rock’n’roll, chantant et dansant.

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À 85 ans, Hugues Aufray ne semble toujours pas vouloir délaisser sa guitare et son harmonica. (Photo : Jean-Baptiste Mondino)

Hugues Aufray, c’est plus de 65 ans de carrière, des tubes à la pelle – Santiano, Dès que le printemps revient, Stewball, Céline, Les Crayons de couleur… – des albums par dizaines, les premières reprises, en français, des chansons de Bob Dylan et un magnifique message de tolérance et de fraternité couplé avec un métissage d’influences musicales diverses. À 85 ans, l’homme tourne encore et est plein de nouveaux projets. À trois jours de sa venue au Casino 2000 de Mondorf, il a bien voulu répondre aux questions du Quotidien.

> Il y a 50 ans, vous représentiez le Luxembourg à l’Eurovision, avec Dès que le printemps revient. Comment vous êtes-vous retrouvé à chanter pour le Grand-Duché et quel lien avez-vous gardé avec notre pays depuis ?

Hugues Aufray : Je n’ai pas de lien particulier avec le Luxembourg, je n’y ai pas déposé mon argent en tout cas – ni là ni ailleurs (il rit) – mais en ce qui concerne la francophonie, j’apprécie le public de cette zone au nord-est de la France, au Luxembourg et en Belgique, qui est très attachant. On a l’impression que la musique est très importante pour eux. Et, personnellement, j’y suis toujours très bien accueilli. Pour revenir à ma participation à l’Eurovision, ça vient de Radio Luxembourg à travers Maritie et Gilbert Carpentier qui avaient à l’époque misé sur moi, un chanteur déjà plus tout jeune, mais encore nouveau. Ils ont demandé à Charles Aznavour de m’écrire une chanson, mais il n’a pas pu, car il était en tournée. Je me suis donc retrouvé à écrire une chanson dans l’urgence pour l’enregistrer le surlendemain. C’est devenu Dès que le printemps revient. Alors que, vocalement, avec ma pauvre voix un peu blessée, je n’étais pas du tout fait pour un concours de chant, la chanson a eu un énorme succès. Ça reste donc finalement un très bon souvenir. Et le Luxembourg, depuis, m’a toujours très bien accueilli, à chaque fois que j’y suis passé. J’y retourne donc avec plaisir.

> Vous serez samedi au Casino 2000 de Mondorf-les-Bains, alors que votre tournée « Visiteur d’un soir » ne débutera qu’en janvier. Ce sera une sorte d’avant-première ou complètement autre chose ?

C’est complètement autre chose. Nous sommes encore en train de travailler sur la tournée « Visiteur d’un soir », qui sera plutôt acoustique et aux allures romantiques et pendant laquelle je présenterai de nouveaux morceaux. Je serai d’ailleurs ravi de revenir au Luxembourg pour ça, mais cette semaine, je viens avec quatre musiciens et le projet « Troubador since 1948 », qui est une sorte de best of pendant lequel je fais un petit parcours de mes principales influences musicales : country, cajun, folk, Bob Dylan, etc. C’est donc très dynamique, voire rock’n’roll.

> Vous avez 85 ans depuis le 18 août dernier. La scène, c’est ça le moteur de votre vie ?

Bien sûr. Mais, vous savez, je n’ai jamais vraiment « commencé à chanter » et, n’ayant pas commencé, je ne peux pas m’arrêter ! Chanter, ce n’est pas un travail. Jouer de la musique, ce n’est pas un travail, c’est un jeu. Alors, un artiste qui, à 45 ans, parce que, ça y est, il a fait fortune, décide de prendre sa retraire, ça me paraît étonnant. Qu’un ouvrier prenne sa retraite, oui, bravo, il la mérite, mais un artiste, qu’il soit peintre, sculpteur ou musicien, n’a pas le droit à la retraite, puisqu’il n’a jamais travaillé.

> C’est donc plus la musique elle-même que le public votre moteur.

Oui, bien sûr. Le public n’existe pas. Enfin si, mais il n’est que la formidable et énorme cerise sur le gâteau. Évidemment. Je lui dois beaucoup, ne serait-ce que ma maison. Et apporter du bonheur aux gens, c’est super. Mais soyons honnêtes, quand on est artiste, ça veut dire qu’on aime faire de l’art, quand on est musicien on a commencé parce qu’on aimait jouer de la musique. Et quand on y arrive, on est même payé pour ça, c’est formidable, mais dans le fond, franchement, on continuerait à le faire même sans être payé.

> Vous disiez tout à l’heure que vous alliez présenter de nouveaux morceaux lors de la tournée « Visiteur d’un soir ». Alors à quand le prochain album ?

Il sortira courant 2015, mais je ne sais pas encore très bien quand. Je dois encore trouver le temps de l’enregistrer. Car non seulement je ne suis pas à la retraite, mais, en plus, je n’ai jamais eu autant de travail, avec les demandes pour que j’écrive mes mémoires, l’écriture des nouvelles chansons, les répétitions avec les musiciens ou encore la tournée « Rendez-vous avec les stars » (NDLR : avec Petula Clark, Dave, Michèle Torr, Plastic Bertrand, Nicoletta, Umberto Tozzi) qui est une nouvelle expérience pour moi.

> Pendant un temps, vous terminiez tous vos concerts avec votre version de Mistral gagnant, de votre ami Renaud. Est-ce toujours le cas ? Et que représente cette chanson pour vous ?

J’adore Renaud. J’étais, d’après ce qu’il a dit, une de ses idoles quand il était jeune. Il est rapidement devenu la mienne. De longues années plus tard, il s’est arrêté de chanter, pour des raisons de santé, à cause de l’alcool aussi, et j’ai effectivement pendant un certain temps repris cette chanson magnifique, après avoir modifié un tout petit peu le texte pour qu’elle s’adresse à lui, pour qu’elle lui rappelle que la vie est belle et qu’il faut s’accrocher. Mais j’ai arrêté maintenant, à la suite de la sortie de l’album La Bande à Renaud, dont je ne fais pas partie, et en raison de certains de mes propos à ce sujet qui ont été mal interprétés. Ce qui ne m’empêche pas de garder toute mon amitié pour Renaud et de continuer à lui rendre hommage de temps en temps quand je suis sur scène. Mais si je terminais encore mes concerts avec cette chanson, ça risquerait d’être perçu comme une sorte de revanche après la sortie de La Bande à Renaud. Ce n’est évidemment pas le cas, donc, je préfère désormais m’abstenir.

> Et sinon, qu’est-ce qui vous fait encore envie ?

Eh bien, une tournée avec Renaud, par exemple. Je le lui ai déjà proposé d’ailleurs, en suggérant de lui servir de première partie. J’ai aussi proposé à Francis Cabrel, quand il a sorti son disque sur Dylan, de faire une tournée « Cabrel et Aufray chantent Dylan ». Je n’ai pas eu de réponse. Dans les deux cas, je regrette que ça n’ait pas marché, mais je n’ai pas encore tout à fait perdu espoir.

Entretien avec notre journaliste Pablo Chimienti

Casino 2000 – Mondorf-les-Bains.
Samedi, à 19h30 (pour le dîner-concert). À 21h pour le concert seul.