C’est de saison : les albums originaux vont doucement disparaître des bacs et des sites d’écoute en streaming, remplacés par les traditionnels compilations, hommages et autres rééditions, toujours prisés lors des fêtes de Noël.
L’un des premiers qui arrive cette année n’est toutefois pas n’importe lequel : le concert donné et enregistré par Portishead au Roseland Ballroom (New York). Il est tenu, encore aujourd’hui, comme l’un des plus grands albums live de tous les temps. Et sûrement celui le plus réussi avec un orchestre en appui. Sorti en novembre 1998, le disque, après nettoyage, revient un quart de siècle plus tard, quasiment jour pour jour, sobrement renommé Roseland NYC Live 25.
On se replace dans le contexte : avec Dummy (1994), le groupe de Bristol arrive au sommet du trip-hop, récent mouvement né près de chez lui, lancé par d’autres voisins plus énervés que lui : Massive Attack. Portishead, duo formé par Geoff Barrow, fan de hip-hop, et Beth Gibbons, apprentie chanteuse, fait une entrée fracassante sur la scène musicale avec son mélange de guitares ciselées, d’orgues au parfum rétro, de samples, de scratchs, le tout sur une rythmique alanguie et hypnotisante. Un incroyable mariage entre mélancolie et groove, accentué par la voix blanche et envoûtante de sa «front woman». Après un Mercury Prize (obtenu au nez et à la barbe de Blur, Oasis et PJ Harvey, tout de même!), il enregistre le 24 juillet 1997 un live qui ne sortira que l’année suivante.
Ce soir-là, Portishead présente pour la première fois, devant un parterre d’une centaine de privilégiés, certains titres qui figureront deux mois plus sur son second album (Portishead). Le groupe est accompagné d’un orchestre de 28 musiciens (dont un important ensemble de cordes), voulant au passage prouver qu’il n’est pas à l’aise dans les studios uniquement. Il n’y a plus beaucoup de place dans la salle new-yorkaise (aujourd’hui disparue), comme le montre la vidéo du show : le public se colle comme il peut aux musiciens, presque en communion avec ce qu’il va se passer durant plus d’une heure : un moment d’exception qui va monter crescendo, des accordages des débuts sur Humming à la fin en apothéose sur Strangers.
Je n’arrive pas à croire que 25 ans se sont écoulés!
Onze titres d’une intensité à donner des frissons (dont les favoris Mysterons et Glory Box), qui, pour cette édition anniversaire, se voient garnir de trois autres qui n’étaient auparavant disponibles que dans le film du concert (Undenied, Numb et Western Eyes). Histoire d’être le plus complet, Roseland NYC Live 25 comprend également les interprétations originales de Roads et Sour Times, deux autres morceaux phares du groupe. «Je n’arrive pas à croire que 25 ans se sont écoulés!», a écrit la chanteuse sur Instagram. «Ce concert était excitant et effrayant car en plus de dévoiler de nouvelles chansons, celles-ci étaient enregistrées. Je n’avais pas beaucoup dormi les nuits précédentes…»
Si Geoff Barrow refuse toujours de parler de Portishead et, ici, d’en faire la promotion en raison d’un contentieux avec Universal sur les droits d’auteur, le guitariste Adrian Utley, troisième figure essentielle de la formation, complète : «C’est un bon souvenir. Ce concert, on y a porté grand soin!». Comment ne pas lui donner raison à l’écoute de cette version qui, après toilettage, est encore plus propre et lumineuse que la précédente? Entre deux cigarettes (que l’on pouvait encore fumer à l’intérieur), Beth Gibbons scotche le public avec sa voix magnétique. À ses côtés, la batterie claque, les synthétiseurs explosent, la guitare glisse, les vinyles s’agitent. Et des cuivres aux violons, l’orchestre appuie, souvent délicatement, cette musique cinématographie à souhait. À (re)découvrir sous une couette ou au chaud dans un gros pull, casque sur la tête en regardant la pluie qui tombe. Ça aussi, c’est de saison.
Portishead – Roseland NYC Live 25
Sorti le 3 novembre
Label UMC
Genre trip-hop