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[Musique] PJ Harvey : reine un jour, reine toujours! 


Découvrez la critique du dernier album de PJ Harvey.

PJ Harvey doit avoir un sacré grand grenier vu que, depuis quelques années, elle se contentait de sortir de ses cartons des enregistrements inédits. Précédemment, on avait déjà eu droit aux rééditions de certaines de ses pépites (Dry, Rid of Me, Stories from the City, Stories from the Sea…). Plus récemment encore, elle en a rajouté une couche avec une gargantuesque collection de six albums et 59 morceaux, dont 14 inédits, supervisés par John Parish himself, collaborateur fidèle. Un coffret retraçant trente ans de carrière qui posait une question, essentielle : à quand la sortie d’un nouveau disque?

Depuis sept ans et le mitigé The Hope Six Demolition Project, la prêtresse rock n’avait en effet plus sorti d’album original. On la disait fatiguée par les tournées. Pire, en manque d’inspiration, elle qui s’applique à entretenir une philosophie : ne jamais reproduire la recette du disque précédent. Elle s’était tournée vers d’autres formes occupations : d’abord des productions plus «alimentaires» qu’artistiques pour le cinéma, le théâtre et la télévision. Ensuite la poésie, elle, grande amatrice de Thomas Hardy, Lord Byron et autres Lewis Carroll. L’année dernière, elle s’est même fendue d’un recueil (Orlam, non traduit en français).

Cet album parle de la quête, de chercher l’intensité du premier amour

Un souffle, une distance qui, au final, lui ont fait le plus grand bien, comme elle l’éclaire dans les notes d’intention d’I Inside the Old Year Dying, sa dixième et nouvelle production : «Je pense que cet album parle de la quête, de chercher l’intensité du premier amour.» Les connaisseurs y retrouveront notamment le dépouillement de ses premières offrandes, à l’instar de Rid of Me (1993), sans la guitare électrique en avant (même si cette dernière est toujours présente). Mais ce retour aux sources ne pouvait s’opérer qu’en célébrant aussi la nature environnante du comté du Dorset, coin de l’Angleterre où la musicienne est née et vit d’ailleurs toujours.

Elle qui a parcouru le monde durant une décennie pour nourrir ses deux derniers disques (dont Let England Shake, Mercury Prize en 2011) de réflexions politiques et sociales sur le Kosovo, les ghettos américains et l’Afghanistan, a ressenti le besoin de s’enraciner à domicile, au cœur de son terroir aux atmosphères et aux paysages mystérieux. Mystique, PJ Harvey l’est assurément. Ainsi, dans la chanson-titre I Inside the Old Year Dying, il est question du retour d’un sauveur qui fait frissonner la nature tout entière. Tandis que dans Seem an I s’entendent un ruisseau et les bêlements lointains d’un troupeau. Une partie des textes est d’ailleurs en vieux dialecte du Dorset.

À travers douze morceaux s’étirant sur un peu moins de quarante minutes, l’Anglaise, toujours bien entourée par John Parish et le producteur Flood, démontre son talent pour l’orfèvrerie. Ici, tout débute souvent le plus simplement du monde avec un piano, une percussion ou une guitare folk, avant que ce dépouillement volontaire ne prenne une étrange dimension, appuyé par d’autres ornements (synthétiseur, cuivre, corde) et soudainement animé par des envies d’ailleurs, souvent spectrales et aériennes. La voix de PJ Harvey, qui prend de multiples teintes et nuances (au point d’en devenir intemporelle), rajoute à l’ambiance, profondément mystique.

Il est évident qu’I Inside the Old Year Dying n’est pas un album immédiatement consommable. Il faut un peu de temps pour en savourer toute la profondeur, et aussi de la patience pour saisir la portée de l’imagination de PJ Harvey, peuplée de références bibliques, shakespeariennes et populaires – comme Elvis Presley, sa vieille passion, dont des extraits de Love Me Tender s’immiscent sur August. Au terme d’un dernier élan rageur et électrique sur A Noiseless Noise, on saisit mieux l’illustration de la pochette, avec ce simple morceau de bois tordu. Oui, PJ Harvey, sorcière du Dorset, a enfin retrouvé sa baguette. Et elle n’a pas encore fini de distiller sa magie.

PJ Harvey – I Inside the Old Year Dying

Sorti le 7 juillet

Label Partisan Records

Genre rock