Accueil | Culture | [Musique] Oasis, du clash au cash

[Musique] Oasis, du clash au cash


Plus de quinze ans après leur violente séparation, les frères Gallagher reforment Oasis pour une tournée mondiale qui débute le 4 juillet. Si le retour est annoncé comme motivé par la passion, les chiffres évoqués donnent le vertige.

Loin de Taylor Swift, mais un beau pactole tout de même : le retour des frères ennemis, Liam et Noel Gallagher, à partir du 4 juillet sous la bannière Oasis plus de quinze ans après leur violente rupture, rapportera plusieurs centaines de millions de livres.

Regard dans le vague, Liam promène nonchalamment son chien dans une parka verdâtre. La photo, postée sur X, provoque les sarcasmes d’un utilisateur : «Ce magnifique chien mérite d’être promené par un millionnaire qui ne ressemble pas à un éboueur».

«Multimillionnaire, soyons précis, CONNARD», réplique l’intéressé, assurant aussitôt que, non, l’argent n’est pas une priorité pour lui. Il serait même, dit-il, «bien loin dans la liste» des raisons du retour d’Oasis.

Dès l’annonce du come-back (la première date de la tournée est prévue à Cardiff), la presse britannique a pourtant avancé, sans toutefois donner en détail les sources, que chaque frère toucherait 50 millions de livres (59 millions d’euros) pour enterrer quinze ans de brouille.

Matt Grimes, spécialiste de l’industrie musicale à la Birmingham City University, est l’un des rares à se risquer ouvertement à une estimation chiffrée   selon lui, le cachet s’élèverait plutôt à 40 millions bruts par frère, rien que pour les 17 dates britanniques.

Boutiques éphémères

Quelque 1,4 million de tickets ont été vendus au Royaume-Uni, soit 240 millions de livres, selon une étude de la banque Barclays. En ajoutant les produits dérivés, les revenus dans le pays atteindraient 400 millions bruts, complète l’universitaire.

Et ce n’est qu’un début : le jackpot gonflera encore avec les 24 concerts prévus pour l’instant hors Royaume-Uni (Amérique, Asie, Océanie). Bien qu’importante, cette tournée est cependant loin de rivaliser avec le «Eras Tour» de Taylor Swift, qui a rapporté, selon le magazine spécialisé Pollstar, quelque 2,2 milliards de dollars (1,6 milliard de livres) rien qu’en billetterie.

Les 149 dates de l’Américaine se sont étalées «sur près de deux ans à travers le globe», rappelle toutefois Matt Grimes. «On parle d’un événement logistique bien plus important que ce que propose Oasis».

Pour doper les recettes du groupe, six boutiques éphémères de produits dérivés (teeshirts, vêtements pour bébés, vaisselle, puzzles…) doivent ouvrir au Royaume-Uni, ainsi qu’en Irlande. Quant aux billets, ils ont été vendus via un système de tarification dynamique, qui a ulcéré les fans, stupéfaits de voir les prix grimper en temps réel selon la demande (très forte), passant parfois de 150 à 350 livres. Le revendeur Ticketmaster jure qu’il n’y est pour rien. Oasis renvoie sur son promoteur.

Un plan «communication» à deux messages

La vente chaotique pour les dates de Cardiff, Manchester, Londres ou Édimbourg – toutes complètes dans la journée – a également suscité la colère et la frustration des acheteurs, confrontés à des pannes sur des plateformes de vente saturées.

La banque Lloyds a récemment estimé dans une étude que les fans ont collectivement perdu plus de deux millions de livres dans des escroqueries sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook, pensant acheter des tickets pour les concerts.

Le plan «communication» des frères Gallagher, lui, n’a rien coûté : deux messages fin août sur les réseaux, un pour aguicher, l’autre pour confirmer.

«La simple annonce de cette reformation, après tant d’années de suspense, suffit à intéresser la presse et à faire parler», explique Chris Anderton, professeur en économie culturelle à l’université de Southampton. Lui souligne que «dans les années 1970 ou 1980, on partait en tournée d’abord pour vendre des albums. Aujourd’hui, c’est pour gagner de l’argent. L’album est un produit annexe… quand il existe!»

Un milliard dans l’économie

Concernant Oasis, pas de nouveau disque à défendre, mais d’anciens à recycler : Definitely Maybe, sorti il y a trente ans, est remonté en tête des ventes au Royaume-Uni. L’essor des concerts XXL s’explique par deux dynamiques parallèles, explique Cécile Rap-Veber, directrice générale de la Sacem, qui gère les droits d’auteur en France.

D’un côté, le streaming «ne rapporte pas autant d’argent qu’à l’époque du CD», ce qui contraint les artistes à compenser, dit-elle. De l’autre, «l’appétence du public pour le live» a été renforcée par le covid.

Les fans sont prêts à casser leur tirelire : chaque spectateur d’Oasis au Royaume-Uni déboursera en moyenne 766 livres (billets, transport, logement, merchandising…), selon Barclays.

Plus d’un milliard seraient injectés dans l’économie britannique. Matt Grimes résume : «Les gens regardent leurs finances et se demandent : « Est-ce que je pars en Espagne pour une semaine à 600 livres? Ou est-ce que je vais voir mon groupe préféré ».»