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[Musique] Michel Polnareff : «Si ce n’est pas douloureux, ce n’est pas bon signe»


(photo AFP)

Légende vivante de la chanson française, Michel Polnareff est sur les routes et sort cette semaine un nouvel album. Ça méritait bien quelques confidences.

Malgré ses soixante années de carrière, Michel Polnareff a encore souffert pour donner naissance à son nouvel album, Un temps pour elles. Ce grand perfectionniste de 80 ans évoque la forme de masochisme qu’a été l’écriture de ce nouvel opus qui sort vendredi, et raconte son rapport complexe à la scène avant son passage, très attendu, aux Francofolies d’Esch-sur-Alzette* début juin. Entretien.

Comment est né votre nouvel album, Un temps pour elles ?

Michel Polnareff : J’ai l’impression d’avoir recherché la fébrilité de mes débuts. Je me suis, disons, affaibli en allant un peu dans mon passé, et c’était un travail difficile. C’est toujours douloureux un album, si ça ne l’est pas, ce n’est pas bon signe, on fait de la merde… C’est comme quand on n’a pas le trac avant de monter sur scène. Un album, c’est un truc masochiste quelque part.  Et là, je suis très, très heureux du résultat. J’ai l’impression de faire un premier disque. C’est comme une renaissance. Je pense que c’est un de mes meilleurs albums, peut-être le meilleur. C’est venu au moment où ça devait venir.

Vous partez en tournée durant toute l’année. Quel rapport entretenez-vous avec la scène ?  

Avant de monter sur scène, je suis toujours dans un état absolument épouvantable. Et ça prend deux ou trois titres pour se dire : « bon, je suis content d’être là ». Parce qu’avant c’est plutôt : « mais pourquoi j’y vais ? ». Même après tant d’années ça ne passe pas. En même temps, si on y va froidement c’est assez bizarre, non ? J’ai par ailleurs un public qui visiblement m’aime beaucoup, que je vais retrouver, plus ceux qui vont me découvrir. Il y a là aussi un côté renaissance dans tout ça.

Tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut avec son cul !

Votre premier album studio est sorti en 1964 et vous avez, depuis, traversé et connu de nombreuses évolutions musicales. Qu’est-ce que vous inspire la musique actuelle ? 

Je la trouve très pauvre. J’aime bien les rappeurs, j’aime bien le hip-hop, les gens comme Eminem, mais j’ai pas entendu des choses qui m’impressionnent. Je me suis toujours trouvé un peu meilleur que les autres artistes de mon époque mais là, j’ai presque un sentiment de solitude parce que je n’ai rien entendu qui m’impressionne. Du coup, je préfère me réfugier autour de mon nombril. Ça isole, ça permet de rester dans sa bulle.

Dans Sexcetera, le single issu de votre nouvel album, vous évoquez la fluidité des identités et orientations sexuelles. Comment cette thématique actuelle résonne-t-elle en vous ? 

Pour moi rien n’a changé, on en parle simplement plus. Moi, je suis hétérosexuel à 100 % et ceux qui ne le sont pas, c’est leur choix. Et je pense que ce morceau c’était pour dire « tu fais ce que tu veux ». Vos choix sont vos choix. Moi, j’étais entouré de gens qui n’avaient pas mes préférences sexuelles toute ma vie et ça ne m’a jamais posé le moindre problème. Tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut avec son cul !

*L’artiste sera en concert le 8 juin au parc du Gaalgebierg, dans le cadre des Francofolies d’Esch-sur-Alzette.

Michel Polnareff en cinq chansons

La Poupée qui fait non (1966)

Âgé de  20 ans, beatnik et pacifiste, Michel Polnareff connait son premier triomphe avec ce tube qui tranche avec le style yéyé (200 000 exemplaires vendus). Il enchaîne les succès avec Love Me, Please Love Me et L’Amour avec toi, dont les paroles font scandale.

Je suis un homme (1970)

Look androgyne, apparence efféminée… Il est attaqué pour sa supposée homosexualité et ses textes sulfureux. Après une agression sur scène, il clame dans ce titre son hétérosexualité et adopte un nouveau style (grandes lunettes et longs cheveux ondulés), qu’il n’a plus quitté depuis.

On ira tous au paradis (1972)

Après Polnareff’s, album vu par beaucoup comme son chef-d’oeuvre, il livre cette chanson qui figure en bonne place de son concert à l’Olympia, dont les affiches (où il montre ses fesses nues), font scandale. Il sera condamné à 60 000 francs d’amende pour attentat à la pudeur.

Lettre à France (1977)

Des déboires personnels et financiers le laissent ruiné et débiteur d’une énorme dette fiscale. Exilé en 1973 aux États-Unis et installé à Los Angeles, il compose alors cette chanson, cri d’amour d’un exilé à son pays natal.

Goodbye Marylou (1989)

Revenu en France après cinq ans d’absence, il compose l’avant-gardiste Kâmâ-Sûtra sur lequel figure ce single qui, à l’heure du minitel triomphant et avant internet, évoque une histoire d’amour par clavier et écran interposés.