Plus de 30 ans après avoir créé le célèbre personnage de BD Titeuf, Zep entre en «poésie» pour explorer son autre passion, la musique, dans l’album pop-folk Automatic Songs.
Plus qu’un hobby, la musique «est devenue un peu une seconde profession» pour Zep. Un amour qui date. Philippe Chappuis a d’ailleurs tiré son pseudonyme d’un fanzine créé à douze ans, quand il était fan du légendaire groupe de rock britannique Led Zeppelin. La musique, son «thème de prédilection», n’a jamais été loin. Il a notamment dessiné pour des festivals de musique, publié la BD L’Enfer des concerts (1999) ou illustré des pochettes d’album de Jean-Jacques Goldman (Chansons pour les pieds, 2002) et Renaud (Les Mômes et les enfants d’abord, 2019).
J’ai pas envie de faire du Titeuf en chanson
Dans son vaste atelier genevois, au dernier étage de sa maison, crayons et pinceaux côtoient les guitares, de tous types. «J’ai toujours mélangé la musique et le dessin», explique celui qui a joué dans de nombreux groupes depuis sa jeunesse, alors qu’il était adepte de rock et hard rock, de Kiss surtout, avec ses allures de super-héros de Comics. «La bande dessinée est devenue mon métier et la musique a toujours été mon hobby et, depuis quelques années, elle prend plus de place», avec le groupe The Woohoo qu’il a créé avec sa compagne, la chanteuse Valérie Martinez, raconte le dessinateur suisse, 56 ans. «Je côtoie le côté musical parce que je le dessine depuis très longtemps aussi. C’était l’occasion de, tout à coup, passer de l’autre côté», observe encore le dessinateur, dont la vaste carrière est mise à l’honneur dans une exposition en Suisse, au Château de Saint-Maurice.
Sorti il y a quelques semaines, l’album dans lequel Zep – grand admirateur de Bob Dylan – troque ses crayons pour la guitare et l’ukulélé mais chante un peu aussi (en anglais), est selon lui proche de la pop folk anglo-saxonne, loin de son passé «rock parodique et chanson humoristique». «Sur ce nouveau projet musical, j’ai envie d’aller dans quelque chose de plus onirique ou de plus poétique. Je n’ai pas envie de faire du Titeuf en chanson», dit-il.
Le dessin, «un pouvoir incroyable»
Mais il avoue qu’il ne se lasse pas des aventures du petit blond à la houppette en forme de plume, qui lui ont valu en 2004 le Grand Prix du festival de la BD d’Angoulême et une notoriété internationale avec Le Guide du zizi sexuel (2001), qu’il a illustré. Vingt ans après sa parution, le livre avait récemment vivement décrié par l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro.
Ni simple dessinateur ou musicien, Zep a surtout «l’impression d’être un artiste qui utilise les outils qu’il a sous la main» : «Si j’étais sur une île déserte avec un marteau et une gouge, je pense que j’apprendrai la sculpture!» Sa main balançant constamment entre le crayon et la guitare, il raconte chaque semaine son aventure musicale sur le site de l’édition française du magazine Rolling Stone, avec beaucoup d’humour et d’autodérision. «On est dans un monde qui se prend beaucoup au sérieux. Même en tant qu’adulte, on a besoin de garder, ou apprendre, cette autodérision. C’est aussi ce que je souhaite transmettre à travers Titeuf», indique-t-il, soulignant l’importance de l’humour pour apaiser les tensions. Il se souvient ainsi d’un dessin qu’il avait fait à huit ans qui avait permis de faire rire deux bandes rivales à l’école, et d’éviter une rixe : «Je me suis dit, il y a quand même un pouvoir incroyable avec le dessin, avec la possibilité de faire rire.»
Aujourd’hui encore, ce pouvoir l’aide à aborder des sujets graves, comme il l’a fait avec la guerre ou le harcèlement. L’ultraviolence des jeunes est un autre sujet qu’il aimerait aborder dans le prochain Titeuf, qu’il espère commencer «bientôt». Si l’humour doit apaiser, il doit aussi ouvrir des débats, face «aux mouvements réactionnaires» actuels : «Il faut mettre le pied dans la porte, forcer un peu toujours pour ouvrir un débat» mais «il ne faut pas choquer pour choquer».