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[Musique] La grande récréation de Fred Pallem


Fred Pallem s’est posé une question : qu’est-ce qui a le pouvoir de réunir, autour d’un même plaisir, trois générations ? Réponse : le dessin animé, bien sûr !

Avec Cartoons, le retour!, Fred Pallem reprend le concept d’un précédent album pour relooker les héros de jeunesse dans une récréation fantaisiste qui n’empêche pas la finesse musicale, ni la créativité.

Quand on regarde son CV, débordant de plus de vingt ans de carrière, il y a de quoi s’étonner que Fred Pallem ne soit pas plus connu, du moins au-delà du cercle des spécialistes. L’homme de l’ombre, 51 ans, cumule en effet les casquettes (musicien, compositeur, arrangeur…) et met son talent au service du cinéma, de la télévision, du théâtre et de la comédie musicale, et ce, jusqu’au Crazy Horse! Plus classique, il a collaboré avec la crème de la chanson française, impossible à résumer tellement la liste donne le tournis.

Enfin, il a garni sa besace de deux Victoires de la musique rayon «jazz», obtenues avec un big band qui contribue beaucoup à ce succès d’estime : Le Sacre du Tympan (appellation hommage au ballet de Stravinsky) qui depuis 1998, affiche sa virtuosité à travers des projets un peu dingues.

Un collectif à géométrie variable

Au crédit de cette bande de musiciens de haute facture, la plupart rencontrés sur les bancs du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, notons quelques faits d’armes : un dixième album, X (2022), sobre dans le nom mais puissant dans la forme car porté par de folles envolées orchestrales, son ainé L’Odyssée (2018) ou encore ce disque qui raconte les Fables de La Fontaine (2020).

Avec ce collectif à géométrie variable (qui peut compter, au mieux de sa forme, vingt-cinq membres), nourri aux BO de films comme au psychédélisme des années 1970, aux fondamentaux pop-rock et aux errements les plus libres du jazz, Fred Pallem défend un objectif de cœur : replacer la musique d’orchestre sur la carte. Une noble intention, certes, mais possible uniquement si elle trouve son public, le plus souvent boudeur face à des propositions 100% instrumentales et ces formations aux (faux) airs de fanfare.

Réveiller des thèmes oubliés et redonner de la force à une évidence

Fred Pallem s’est alors posé une question, qu’il précise sur Bandcamp : qu’est-ce qui a le pouvoir de réunir, autour d’un même plaisir, trois générations? Réponse : le dessin animé, bien sûr! Il va en faire une première démonstration en 2017 avec l’album Cartoons, qui débute par La Danse macabre d’un vieux Disney de 1929 pour ensuite en imaginer une autre où se mêle des classiques du film d’animation et des jeux vidéo : Spiderman, l’Inspecteur Gadget, les Simpson, Dragon Ball Z, Mario Bros et autres Bob l’éponge, sans oublier le plus puissant de tous les robots, Goldorak. Avec la même ouverture d’esprit dépassant les cadres de l’espace et du temps, le bassiste revient avec sa formation fétiche pour relooker les héros d’aujourd’hui et d’antan avec un second volet : Cartoons, le retour!, aussi fédérateur que le précédent.

À l’oreille, certaines mélodies sonnent de manière plus évidente que d’autres. Par exemple, ce générique des dessins animés de la MetroGoldwynMayer, avec Tom et Jerry aucunement effrayés par le rugissement du lion. Ou la musique de Batman, datant de 1966, qui ramène à la série d’origine avec ses héros en collant et ses bagarres qui font «pow», «zlit» et «bap». D’autres le sont moins, ou sont limpides en fonction des générations : la plus récente trouvera vite le thème de Princesse Mononoké ou celui des Indestructibles. La précédente, biberonnée aux animés des années 1980, n’hésiteront pas une seconde en découvrant celui de Cobra ou d’Albator. Et que les plus anciens se rassurent : comme il y en a pour tous les goûts et toutes les époques, ils se réjouiront à l’écoute des Fous du volant, de Woody Woodpecker ou de Barbapapa (la seule chanson avec parole, et encore).

Finesse musicale et créativité

Si le quiz fait maison, comme le ton de ces deux albums, sont ludiques, il ne faut pas non plus oublier les intentions derrière : «Trouver des pépites, réveiller des thèmes oubliés et redonner de la force à une évidence», écrit ainsi Fred Pallem. À ce jeu, ces douze virtuoses en culottes courtes excellent : les arrangements sont aux petits oignons et l’interprétation époustouflante, virant du jazz à des choses plus minimalistes.

Qu’on se le dise, cette récréation fantaisiste n’empêche pas la finesse musicale, ni la créativité. Et à ceux à qui il manque, pour en apprécier tout le sel, le puissant support de l’image, l’orchestre et son chef ont tout prévu : ils proposent parallèlement des spectacles pour petits et grands, avec projections en arrière plan. Avec un tel sens du partage, conclure avec un tentant «that’s all folks!» serait prématuré. Pas sûr, en effet, que ce plaisir coupable s’arrête en si bon chemin.

Fred Pallem & Le Sacre du Tympan. Cartoons, le retour! Sorti le 6 décembre. Label Train Fantôme. Genre jazz / rock / pop