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[Musique] JVB : à la croisée des époques


Joey Valence et Brae sont des purs produits de leur époque. Alors que leur second disque vient juste de sortir, aucune critique musicale ne s’est penchée sur leur cas. Zéro. Néant. Qu’importe!

Aujourd’hui, le succès se mesure aux chiffres accumulés sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Et à ce petit jeu, le duo est un véritable champion, comme en témoigne un bilan comptable qui fait tourner la tête : une de ses chansons, Punk Tactics, tirée de l’album du même nom sorti l’an dernier, culmine à 94 millions d’écoutes sur Spotify. Autre tube, Hooligang a été vu, quant à lui, plus de 1,2 milliard de fois sur TikTok. Ultime démonstration à l’arithmétique implacable : des millions de followers qui, d’Instagram à X, saluent l’alchimie et portent la folie rassembleuse du tandem qui, précisons-le, a réussi tout cela de manière 100 % indépendante. Chapeau bas.

Le lien de parenté avec les Beastie Boys détonne et étonne

Pourtant, paradoxalement, ce n’est pas au XXIe siècle que Joey Valence et Brae sont immédiatement associés, surtout si l’on se fie aux sons et aux images. Il y a déjà eu ce premier single, Crank It Up (2021), où sur la pochette, on voit les deux zigotos prendre la pose avec survêtements, baskets et casquettes. Ne manque que la chaîne en or qui brille… Du pur «old school» qui lorgne du côté des Beastie Boys qui, en dehors d’avoir été trois, partageaient le même goût pour la fringue décontractée, les blagues potaches et cette façon de se mettre en scène comme des clowns. La filiation se confirme ensuite en musique. Comment en douter quand se lance ce nouvel album, notamment avec Packapunch, morceau aux scratches qui glissent, aux beats qui tapent et aux chants qui claquent, façon Mike D, MCA et Ad-Rock. Jusque dans le ton, le lien de parenté détonne et étonne.

En creusant un peu plus, les références empruntées aux années 1980-1990 sont significatives : il y a d’abord, chez eux, cette envie de tout faire tout seul, de la composition à la production, façon DIY (Do It Yourself) défendu par la scène punk-hardcore. Dans le même ordre d’idées, il y a également cette manière de créer des clips avec trois bouts de ficelle, où le plus important semble de faire les idiots et de se marrer. D’autres détails, encore, ne trompent pas, comme leur premier succès, Double Jump, qui cite Missy Elliott et les Nike Air, quand certains évoquent Mario Bros et l’impérissable console NES (Nintendo Entertainment System). Il y a enfin ces chansons qui pulsent comme du House of Pain, cet emprunt capillaire aux coiffures des premiers Offspring, sans oublier ces concerts donnés en première partie de Limp Bizkit et Sum 41.

Oui, ça fait beaucoup, mais pas assez toutefois pour taxer Joseph Bertolino et Braedan Lugue (de leurs vrais noms) de pâles copies ou de plagiaires. Déjà parce qu’en musique, la nouvelle génération démontre son penchant pour les années 1990, qu’elle remet au goût du jour régulièrement. Ensuite parce que le duo de Pennsylvanie ne reste pas cantonné au boom bap, au drum’n’bass et au breakbeat, mais joue sur d’autres terrains comme le jazz ou, plus surprenant encore, l’EDM (electronic dance music), à l’instar du bondissant morceau What U Need, invitation à lâcher prise sur le dancefloor. Ainsi, entre fous rires et énergie, les douze titres de ce No Hands, ramassés sur une demi-heure, brassent les humeurs et les styles. Ils invitent même quelques personnalités à s’y amuser, comme Danny Brown ou le DJ Z-Trip.

Si Joey Valence et Brae refusent de poster une biographie, même de trois lignes, sur Spotify («mais putain, qui les lit?»), gratifiant le curieux d’un doigt d’honneur, ils vont devoir se montrer tels qu’ils sont lors des festivals d’été, notamment au cours du mois d’août, où ils campent en Europe (ils seront au Cabaret Vert, à deux heures de route du Luxembourg, le 18). En Amérique, les fans sont formels : c’est en live que le duo excelle, dans des performances déjantées et participatives. Leur son, à la croisée des époques, authentique et nostalgique, est surtout contagieux. De quoi satisfaire les jeunes comme les moins jeunes. JVB est viral et ne fait pas la fine bouche sur les âges. Seuls les chiffres comptent.

Joey Valence & Brae – « No Hands »

Sorti le 7 juin

Label JVB Records

Genre rap