Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a poussé la légende américaine du folk à retourner en studio.
La nouvelle «protest song» (chanson de protestation) de Joan Baez s’intitule No Kings, en référence aux slogans des manifestations anti-Trump aux États-Unis. Écrite par Jesse Welles, chanteur folk de 33 ans originaire de l’Arkansas, elle a d’abord été interprétée par les deux chanteurs sur scène, puis le duo l’a enregistrée en studio, pour une sortie prévue dans les prochains jours. «J’adore chanter avec des gens plus jeunes et cette chanson est parfaite pour ma voix. C’était du pur plaisir», déclarait ce week-end Joan Baez, de passage à Paris pour la parution en France de son recueil de poésie Quand tu verras ma mère, invite-la à danser.
Figure des années hippie, l’artiste, qui aura bientôt 85 ans, n’avait rien sorti depuis son album Whistle Down the Wind, en 2018. Mais, ulcérée par la politique du président américain, elle a repris le chemin du studio pour ce titre. «Ce qu’il faut, c’est un hymne, quelque chose que tout le monde peut chanter», en entonnant simplement «No kings, no kings, no kings», estime la militante, qui a marché avec Martin Luther King et a chanté la paix et la justice sociale, à Woodstock et dans le monde.
Dans les pas de Dylan
Jesse Welles, de son côté, est connu pour ses textes sur Donald Trump, le milliardaire pédocriminel Jeffrey Epstein ou encore la police de l’immigration (ICE). L’auteur-compositeur-interprète à la tignasse ébouriffée et à la voix nasale rappelle l’ancien compagnon de Joan Baez, Bob Dylan, monument du folk, prix Nobel de littérature et toujours en activité à 84 ans. Si Joan Baez leur reconnaît «des similitudes», elle se dit «heureuse de laisser Dylan sur le piédestal qui lui appartient».
Leur histoire d’amour a été au cœur du biopic A Complete Unknown (2024), réalisé par James Mangold avec Timothée Chalamet dans le rôle du chanteur-poète. «Le film était un événement énorme», se souvient Joan Baez, satisfaite de son incarnation par Monica Barbaro, l’actrice nommée aux Oscars l’ayant consultée plusieurs fois pendant ses recherches. Son récent regain de notoriété s’explique aussi par le coup de projecteur donné par deux superstars, Taylor Swift et Lana Del Rey. La première l’a invitée lors d’un concert en Californie en 2015 et la seconde, avec qui elle a aussi chanté sur scène, a dédié une chanson à leur amitié, Dance Till We Die, en 2021.
«Héritage honnête»
Lorsqu’elle ne s’inquiète pas pour la démocratie américaine ou ne s’adonne pas à ses passions pour la peinture ou ses poules, Joan Baez, qui vit dans le sud de la Californie, exhume ses archives personnelles. Elles ont alimenté le documentaire Joan Baez : I Am a Noise (Miri Navasky, Maeve O’Boyle et Karen O’Connor, 2023), révélant sa lutte contre la dépression, sa consommation abusive de médicaments et sa conviction d’avoir vécu enfant des traumatismes de la part de son père.
Son dernier projet autobiographique est un recueil de poèmes, rassemblés à partir de bouts de papier, de carnets et d’anciens ordinateurs, datant de plusieurs décennies. Le livre, qui vient de paraître en France, comporte notamment des textes écrits pendant qu’elle luttait contre un trouble dissociatif de l’identité, un état mental où la personne adopte plusieurs identités.
«Il y avait quelque chose de spécial dans la façon dont la poésie était écrite par des voix intérieures», se remémore-t-elle. «Je veux vraiment laisser un héritage honnête, que ce soit les poèmes, la musique, le documentaire», affirme Joan Baez, qui ne joue désormais plus de guitare et a réalisé sa dernière tournée en 2019. Sujette à des cauchemars et parfois en lutte pour tenir «l’obscurité et la morosité» à distance, l’artiste assure toutefois que sa dernière décennie a été la plus heureuse.