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[Musique] Jazz Forum Luxembourg : du jazz à tous les étages!


Depuis deux ans, le Jazz Forum Luxembourg cherche à ancrer au pays un concept original : réunir artistes internationaux, locaux et jeunes élèves sur une même scène. Au bout, l’espoir de constituer une communauté aux bases solides. Explications.

Au Luxembourg, le jazz bénéficie d’une aura certaine depuis plusieurs décennies. Résultat? Aujourd’hui, son vivier jouit d’une belle réputation, et ses compétences, sur scène ou à côté, ne sont plus à prouver. Rien d’étonnant alors d’y trouver des festivals à la programmation appétissante (à l’instar du Like A Jazz Machine de Dudelange, dont la treizième édition se déroule la semaine prochaine) ou de voir ses meilleurs éléments mis en lumière loin de ses frontières, comme ce sera le cas cet été au Jazz à Vienne et à l’Edinburgh Jazz & Blues Festival. Mais quid de son terreau? Est-il entretenu? Quant à la nouvelle génération, est-elle suffisamment soutenue? Autant d’interrogations dont le Jazz Forum Luxembourg s’est emparé en 2023 à travers une proposition singulière : réunir sous la même bannière stars internationales, musiciens locaux et jeunes élèves de l’ISL (International School of Luxembourg) afin de poser les bases d’une communauté florissante.

On rembobine avec Shauli Einav, saxophoniste arrivé au pays en 2019 et à l’origine de l’initiative avec son collège-professeur rencontré à l’ISL, David Foyster. Dans la foulée de la crise sanitaire et les confinements successifs, propices à la réflexion, il constate qu’au Luxembourg, le jazz est éparpillé. Certes, il y a la solide activité au sein des conservatoires, un lieu réputé pour sa scène ouverte mais fermé jusqu’à peu (Liquid Bar), ainsi que différents évènements portés par des places fortes (notamment à Echternach ou à la Philharmonie). Mais pour lui qui s’est construit entre New-York et Paris, il manque un lieu fédérateur qui ferait fi des niveaux, des âges et des envies, selon un mantra qu’il définit de la sorte : «La musique est pour tous, et pas uniquement pour le plaisir de quelques professionnels». Et c’est sur cette base qu’est née l’association Jazz Forum Luxembourg, à l’image de ce qu’on trouve en Allemagne, comme à Bayreuth.

Loin de l’esprit des clubs

L’idée? Transformer le Forum Geesseknäppchen, situé à Hollerichen une maison où chacun y trouverait sa place, du moins ceux «intéressés» par le jazz, afin, peut-on lire, «de promouvoir sa pratique, son écoute et sa sensibilisation». Attention, précise-t-il, on est loin de ce qui anime les clubs, «où l’argent du bar prévaut». Non, ici, c’est le geste éducatif qui prime, avec cet enracinement au sein de l’ISL et ses quatre groupes de musique (dont deux «purement» jazz). Tout part en effet de ces élèves âgés de 12 à 18 ans a qui l’on propose de participer à des ateliers placés sous la houlette de différents talents internationaux. Depuis la venue il y a deux ans du pianiste Franck Amsallem, premier de cordée, d’autres noms prestigieux se sont succédés au rythme de trois par an : Yonathan Avisha, Hermon Mehari et Nick Finzer en 2024, et cette année, Hila Kulik, Baptiste Herbin et Dena DeRose, attendue la semaine prochaine. Le batteur Dan Pugach, fraichement auréolé d’un Grammy, va aussi se plier ce mois-ci à l’exercice.

Mais ces cours de «quelques heures», généraux ou plus spécifiques (à destination des élèves expérimentés) ne sont qu’une mise en bouche, car dans la foulée, place à la scène! Dans un Forum Geesseknäppchen transformé en petite salle intimiste aux moyens professionnels («car donner un concert dans une école, ce n’est pas forcément top!», précise le saxophoniste), ce sont les étudiants qui ouvrent le bal avec leur formation – une première partie de quelques morceaux qui doit témoigner de leur croissance accélérée et de leur investissement durant toute l’année scolaire. Puis c’est l’invité du jour qui prend le relai et joue, le plus souvent accompagné par une section rythmique «made in Luxembourg» dans laquelle on a vu défiler des noms connus du réservoir national : le pianiste Arthur Possing, le contrebassiste Marc Demuth, le batteur Paul Wiltgen ou le jeune trompettiste Daniel Migliosi. Même Shauli Einav s’est «fait plaisir» aux côtés du «monstrueux» Baptiste Herbin.

Des jeunes qui se mobilisent

Dans un souci de transparence et une horizontalité défendue, tout le monde à l’air d’y trouver son compte. En premier lieu, les élèves, à l’image de Jemima Foyster, 16 ans, en 11e année à l’ISL. Fan de jazz, musicienne (saxophone, guitare) et chanteuse, elle a participé à toutes les masterclass, dont celle, «très sympathique», avec Hila Kulik, axée sur les solos et l’improvisation. «Voir de tels talents avec des jeunes, c’est un mélange rare!», sourit-elle, heureuse également de ce concert de trois petites chansons donné avec son big band, aux vertus qui dépassent la simple formation artistique. «Quand un étudiant joue, souvent, ses amis viennent le voir. Et après, ils restent. Ce qui fait qu’il y a toujours plus de personnes qui découvrent le jazz, l’aiment, et qui sait, vont en jouer un jour». Shauli Einav acquiesce : en mars dernier, il y avait 150 enfants dans la salle – il faut dire que les concerts sont gratuits pour tous les élèves et jeunes de moins de 18 ans.

Au Luxembourg, il y a eu deux ou trois générations de bons musiciens. Mais qui seront les prochains?

Michel Meis, derrière sa batterie lors des shows de Hermon Mehari et Hila Kulik, salue à son tour le projet, malgré un accident en tout début de semaine qui lui a laissé la cheville droite dans un piteux état. De retour des urgences, il témoigne : «Pour un jeune, être confronté à des professionnels, c’est un excellent exercice pour aller plus loin. Surtout que leur langage est différent de celui d’un professeur». Le musicien va même plus loin, voyant dans cette généreuse «plateforme communautaire» un moyen de consolider une scène au passé défricheur, au présent triomphant mais à l’avenir en pointillé : «Au Luxembourg, il y a eu deux ou trois générations de bons musiciens. Mais qui seront les prochains?», se questionne-t-il, évoquant un manque de visibilité vis à vis de «ceux qui arrivent». Enfin, il salue au passage le son «particulier» du Forum, semblable à celui d’«une petite église».

Des stars qui jouent le jeu

C’est aussi ce que disent les stars internationales qui, bouclant la boucle, semblent apprécier le programme. Question d’habitude, note Shauli Einav : «Tous les musiciens du monde interviennent dans des écoles, donnent des ateliers… C’est sûr, certains le font mieux que d’autres, mais la plupart du temps, ce sont des gens tranquilles et patients. De toute façon, un élève peut apprendre de n’importe qui. Et s’en inspirer!». L’expérimenté Michel Meis confirme : «J’ai l’impression qu’ils prennent du plaisir. C’est un format court, qui ne nécessite pas une grosse réflexion, ni une importante préparation en amont. Ainsi, ils ne perdent pas trop de temps, ni d’énergie». Cerise sur le gâteau, sur place, ces talents d’ailleurs découvrent que le Luxembourg est bien doté, avec sous la main «une équipe rythmique prête et de qualité», précise le saxophoniste, qui n’a qu’un souhait : «Qu’ils relayent ça sur les réseaux sociaux!» (il rigole).

Après le concert de Dena DeRose qui, c’est une première, aura lieu à l’ISL et non au Forum Geesseknäppchen, réquisitionné par le gouvernement, le Jazz Forum Luxembourg imagine déjà prendre de l’ampleur même si, précise le fondateur, il tient, comme beaucoup d’associations (à but non lucratif), sur la seule volonté de quelques bénévoles. Financièrement, toutefois, il peut compter sur le soutien d’un mécène, de la ville de Luxembourg et du Ministère de la Culture, complétant ainsi les recettes réalisées avec la vente de billets. Ce n’est pas Byzance, certes, mais suffisant pour imaginer d’autres perspectives pour 2026, comme celle de s’ouvrir aux enfants de 3 à 8 ans (avec des «concerts plus interactifs») et aux «adultes amateurs», catégorie souvent «délaissée». De quoi offrir encore de belles années au jazz luxembourgeois.

Dena DeRose Trio
(avec Marc Demuth & Paul Wiltgen)
Lower School Auditorium –
International School of Luxembourg.
Le 7 mai à partir de 18 h 30.

www.jazzforum.lu

 

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