Casquette vissée sur la tête et poing levé, Gauvain Sers, avec ses mots et ses mélodies, marie la poésie au social. Avant de repartir sur les routes, il raconte son nouvel album, Ta place dans ce monde, qui se vend presque aussi bien que le dernier Kanye West! Confidences.
Ses premiers albums, Pourvu (2017) et Les Oubliés (2018), ont rencontré un très beau succès auprès du public qui l’a totalement adopté. Il présente aujourd’hui son nouveau, sorti fin août, toujours engagé mais plus intime. Confidences.
Aviez-vous une pression particulière pour ce troisième album, alors que les deux précédents ont été certifiés « disque de platine« ?
Gauvain Sers : On remet toujours les compteurs à zéro quand on fait un disque. On a forcément un peu de pression : deux ans de travail et de vie, ça ne se prend pas à la légère! Mais le stress arrive surtout quand on dévoile les chansons, moins durant l’écriture.
Comment vivez-vous justement la phase de création?
Celle-ci est un exercice solitaire : je suis dans ma bulle, je ne pense pas à l’après. Cela pourrait d’ailleurs me tétaniser, et surtout réorienter mon écriture.
Certains artistes ont été presque paralysés par le contexte sanitaire et d’autres, à l’inverse, ont mis ce temps à profit. Comment l’avez-vous vécu?
J’avais une moitié de l’album sous le coude, et le premier confinement est arrivé alors que j’étais en pleine tournée. Ça a été un coup de massue! Quand j’ai compris que cela allait durer, j’avais deux choix : soit me morfondre en mangeant des tablettes de chocolat devant Netflix, soit me mettre à mon bureau, et bosser!
Est-ce que le contexte vous a influencé?
Je me suis réfugié dans l’écriture. J’ai essayé de me construire un cocon. Les premiers textes ont forcément été marqués par ce qui se passait mais assez vite, j’ai essayé de prendre de la distance et de fantasmer sur ce qui me manquait de l’ancienne vie, notamment les terrasses par exemple.
On a applaudi les soignants aux fenêtres, mais est-ce que leur statut a changé? Non
Sur ce disque, avec En première ligne, vous parlez des soignants, caissières, éboueurs… Était-ce important de les mettre à l’honneur?
Je trouve cette chanson pertinente car elle rend hommage à tous ces gens essentiels pour que la société continue de tourner, et l’on s’en rend compte seulement dans ces moments de crise. On a applaudi les soignants aux fenêtres, mais est-ce que leur statut a changé? Non. J’avais à cœur que cette chanson s’inscrive dans la durée et prenne un point de vue plus large.
Sur d’autres chansons, on découvre un son différent. Comptiez-vous vous renouveler?
J’avais la volonté de me surprendre, notamment à travers les arrangements, d’explorer des univers nouveaux. J’ai travaillé avec Renaud Letang car je savais qu’il allait me bousculer dans mes certitudes et ma zone de confort. C’est un orfèvre qui a su moderniser mon son, l’aérer aussi.
Avec Ta place dans ce monde, vous faites également part de vos interrogations…
Je suis comme tout le monde : je m’interroge! Les certitudes ont pour beaucoup été bousculées. Je vois des gens autour de moi changeant de métier, de lieu de vie… Je trouvais intéressant de sortir cette chanson en premier car elle résume l’album. On y retrouve des gens de milieux sociaux et d’âges différents. Cette chanson les réunit. À 20, 30, 50 ans, on se pose la question de notre place sur cette Terre. C’est une réflexion universelle.
Comment vivez-vous le fait d’être trentenaire en 2021?
Je suis réaliste et d’un naturel optimiste. Même quand je dénonce des choses, quand j’essaie de pointer du doigt des incohérences, des injustices, de l’intolérance, j’essaie de garder espoir. Oui, l’être humain tourne en rond, refait les mêmes erreurs et retombe dans les mêmes travers. Mais j’ai l’utopie de croire qu’une chanson peut encore réveiller les consciences.
Ce qui s’est passé avec la chanson Les Oubliés, c’est complètement dingue!
Avec le recul, comment vivez-vous le fait que votre chanson Les Oubliés soit devenue un classique, un hymne populaire même?
Ce qui s’est passé avec cette chanson, c’est complètement dingue! Je ne l’ai tellement pas soupçonné au moment où je l’ai écrite. Je reçois encore beaucoup de messages et de témoignages de personnes qui l’utilisent pour servir des causes, sauver des hôpitaux, des écoles… Ce sont des combats qui me touchent énormément. Il n’y a rien de plus beau pour une chanson que de pouvoir ainsi servir.
Vous avez retrouvé la scène à plusieurs reprises cet été. Qu’avez-vous ressenti?
Cela m’a fait bizarre de remonter sur scène. J’étais angoissé mais on retrouve heureusement assez vite nos marques. C’est une libération que de pouvoir refaire de la musique devant les gens. J’aime le côté solitaire de l’écriture, de la création mais aussi l’effervescence d’aller sur les routes, de faire des concerts. Cette adrénaline m’avait manqué.
Juste avant la pandémie, vous vous étiez produit à L’Atelier. À l’occasion de la prochaine tournée, allez-vous retrouver le Luxembourg?
Il y a déjà pas mal de dates prévues mais j’espère revenir au Luxembourg. Je me souviens de ce concert à L’Atelier : j’en garde un chouette souvenir. On y est toujours très bien accueilli!
Ta place dans ce monde, de Gauvain Sers.
Nikolas Lenoir