Insupportables ou incontournables ? Les smartphones sont aujourd’hui aux premières loges pendant les concerts. Les bannir ou s’en servir, chacun se fait son idée.
Tendus à bout de bras par des fans avides d’immortaliser la soirée, les smartphones sont omniprésents dans les concerts et les festivals. Si certains artistes s’en agacent, la majorité fait avec et d’autres les utilisent même à certains moments de leur show.
La star britannique Adele a récemment mis les pieds dans le plat lors d’un concert à Vérone, en Italie : «Je suis vraiment là, dans la vraie vie, tu pourrais apprécier la vraie vie plutôt qu’à travers ta caméra», a-t-elle lancé à une fan en train de la filmer, selon une… vidéo diffusée par un autre fan sur YouTube (3,5 millions de vues). D’autres artistes ont laissé percer un agacement similaire, comme Jack White, lors de sa dernière tournée, qui demandait aux fans de poser leur téléphone «cinq minutes». Patrick Bruel avait rabroué, lors d’un concert au théâtre Mogador à Paris, certains spectateurs qui avaient du mal à applaudir à cause du smartphone qu’ils tenaient en main…
Tendus à bout de bras, les nouvelles merveilles technologiques – smartphones et autres tablettes – sont devenus incontournables dans les concerts et les festivals, permettant aux fans d’immortaliser leurs chansons préférées et d’en faire profiter les autres grâce aux réseaux sociaux et certaines applications comme Periscope. Avec comme corollaire ces marées d’écrans lumineux qui gâchent parfois le spectacle pour les spectateurs installés derrière eux.
Il y aurait actuellement 83 millions de vidéos musicales «live» sur YouTube dont 95 % proviennent de vidéastes amateurs, selon des chiffres du Prodiss, le syndicat des producteurs de spectacle français. Certains artistes font de la résistance : pendant les concerts de Bob Dylan, l’an dernier à Paris, des agents de sécurité veillent et interviennent quand un spectateur tente de prendre une photo. La chanteuse américaine Alicia Keys a également banni les téléphones de ses concerts, fournissant à l’entrée une petite housse dans laquelle est enfermée le smartphone le temps du concert, révélait récemment le Washington Post.
Bono invite une fan à filmer sur scène
«Pour l’artiste, voir une marée de spectateurs qui deviennent des téléspectateurs, cela créé une distance gênante, antinomique avec le spectacle vivant», estime
MePierre-Marie Bouvery, l’avocat du Prodiss. Pour autant, «l’interdiction me paraît illusoire», ajoute ce spécialiste du droit de la propriété. Il fonde ainsi davantage d’espoirs dans les interventions publiques des artistes, comme celle d’Adele, pour avoir un effet «atténuateur» et encourager «la courtoisie à l’égard de son voisin de salle».
Aux Francofolies de la Rochelle, seules les perches à selfies étaient interdites : «Interdire les téléphones, cela me paraît impossible. On compte sur l’autodiscipline», remarque son patron, Gérard Pont. Si la plupart des artistes font avec, ils sont aussi de plus en plus nombreux à faire eux-mêmes appel aux smartphones pendant les concerts, pas seulement pour assurer leur promotion sur les réseaux sociaux ou pour la fameuse option «torche» qui permet aux téléphones de jouer le rôle que tenaient autrefois les briquets.
Ils y voient une possibilité de donner une nouvelle dimension à leurs prestations. Lors de sa dernière tournée, le groupe U2 invitait une fan sur scène pour filmer Bono le temps d’une chanson avec diffusion en direct sur internet via l’application vidéo, Meerkat, permettant au concert d’exister au-delà de la salle. La populaire et très connectée Louane, star des adolescents actuellement en tournée, amène son smartphone sur scène pour, elle aussi, diffuser quelques moments du concert via une application similaire, Periscope.
Le rappeur Youssoupha, lui, intègre les téléphones dans ses concerts en demandant aux spectateurs d’utiliser son application qui permet au téléphone de diffuser des lumières de différentes couleurs pendant le morceau Smile. «Ça ne sert à rien de vouloir stopper l’évolution technologique, estime le rappeur. Quitte à ce qu’ils utilisent leur portable, je préfère que ce soit pour la mise en scène. Et souvent, une fois qu’on a fait ça, ils se calment avec leur téléphone!»
Le Quotidien