Visage méconnu mais tubes reconnus de l’électronique française, Vitalic fête vingt ans d’une carrière riche en tournées internationales et collaborations prestigieuses, des Daft Punk jusqu’à Björk.
L’homme ne se met pas en avant. Dans ses clips, il faut guetter ses apparitions furtives, crâne glabre et barbe sous stroboscopes dans le récent Rave Against the System ou silhouette immobile quand tout le monde bouge autour dans le plus ancien My Friend Dario. Le quadragénaire utilise d’ailleurs les mots «en parallèle, à part» pour qualifier son parcours, lors de sa rencontre à Paris, alors qui s’est lancé dans une tournée-anniversaire.
Le musicien n’a jamais été suiveur, plutôt pionnier, ce qui explique quelques succès à contretemps. Au début de sa carrière, alors qu’il se produit dans un milieu où la techno tabasse, il glisse un jour du côté de Nice des boucles de Giorgio Moroder, figure du disco, dans son set. Trop précurseur : la salle se vide et «les gens qui restent sont ceux qui font le ménage. J’entends le bruit des gobelets vides sur le sol…» (il rit).
«Mais j’ai insisté, et à mon premier Sonar (NDLR : festival couru à Barcelone), vers 2001, j’ai à peine commencé, ça s’est embrasé dans le public, c’était vraiment dingue!». La presse anglaise qualifiera alors son electro de «metal-disco». «Ça me va, il y a du disco dans ma techno. Du disco qui envoie…», sourit l’artiste, également influencé par l’énergie punk.
Même histoire avec le morceau Poison Lips (2009). «Quand il est sorti, je me suis fait incendier par le public et la presse, mais huit ans après, utilisé dans un film, il a marché. C’est maintenant mon morceau le plus écouté.» La publicité s’en est aussi emparée et le titre cumule aujourd’hui plus de 27 millions d’écoutes sur Spotify, leader mondial des plateformes musicales.
«C’est ça aussi, la dissidence, faire son truc, ne pas chercher à être dans l’air du temps car ce n’est déjà plus l’air du temps», commente-t-il. Dissidænce, fusion de «dissidence» et du mot anglais «dance», c’est justement le titre de son dernier album, diffusé en deux volets, le dernier en date ce mois-ci. «Je l’ai appelé comme ça car l’atmosphère dans la société ces dernières années s’est tendue, polarisée, fracturée. L’album parle de cette tension mais ce n’est pas non plus plombé, c’est un appel à la fête.»
La fête, le gamin qui a grandi à Dijon y a d’abord goûté par les vinyles de sa mère, notamment une compilation disco avec Giorgio Moroder. «Quand je demandais aux adultes comment on faisait cette musique, on me répondait : « avec des synthétiseurs qui coûtent une fortune! ». Ça paraissait inatteignable depuis ma campagne bourguignonne.»
Plus âgé, il pousse les portes de l’An-Fer, club electro réputé à Dijon où il verra Laurent Garnier et les Daft Punk, sans masques à l’époque. «Je me suis dit : « j’ai vraiment envie de faire ça! ». J’ai commencé à m’équiper tard, vers 24-25 ans.» Il entre alors dans les radars d’un label allemand défricheur, Deejay Gigolo, sa rampe de lancement. Mais, là encore, plutôt que de déménager en Allemagne ou à Paris, il restera en marge du circuit, domicilié du côté de Dijon.
«J’avais une petite maison le long d’un canal, dans la cambrousse… D’un côté, je regrette, j’aurais bien aimé bouger, rencontrer plus de monde. D’un autre côté, ça m’a permis de ne pas péter les plombs.» De toute façon, des géants comme les Daft Punk, Björk ou des «héros» de son panthéon musical, comme Étienne Daho ou encore Jean-Michel Jarre, viendront le chercher pour des remixes.
Pensait-il durer aussi longtemps dans le métier? «Quand j’ai commencé, on expérimentait. On ne savait pas ce qui allait se passer après. Alors oui, ça m’inquiétait d’avoir 30 ans et de, peut-être, devenir ringard. Maintenant ça ne m’inquiète plus à 45 ans.» (il rit).
À écouter :
Dissidænce, de Vitalic.
Il sera en «live» le 22 mai à la Rockhal (Esch-Belval)
Y a du disco dans ma techno. Du disco qui envoie…