Spécialiste des reprises guitare-voix, d’Henri Salvador à K. Maro en passant par le tube Clandestina, Emma Peters revient sur son improbable parcours.
Quand un DJ russe lui soumet le remix d’une de ses reprises, Emma Peters est une parfaite inconnue : depuis, la chanteuse enchaîne les concerts avec Clandestina et ses propres morceaux, dont l’un a lui aussi connu quelques péripéties. «C’est une histoire de dingue», résumait l’artiste de 28 ans avant de monter, mardi, sur la scène du Printemps de Bourges. Avec un certain décalage horaire : elle revient de Tahiti, où elle était programmée dans un festival.
Avec deux albums au compteur, Dimanche en 2022, puis Tout de suite en 2024, la chanteuse a de quoi régaler le public. Mais celui-ci vient aussi pour l’entendre jouer ses reprises – sa spécialité –, surtout celle qui lui a ouvert les portes d’une carrière musicale. «J’ai commencé Clandestina sur scène et les gens, avec tous les téléphones sortis, hurlaient, connaissaient les paroles. C’était un truc de ouf», sourit-elle.
En 2019, Emma Peters reprend en guitare-voix ce titre du rappeur Lartiste, qu’elle poste sur sa chaîne YouTube, à l’audience confidentielle. Quelques années plus tard, ayant entre-temps publié d’autres «covers» comme Femme Like U de K. Maro, «j’ai reçu un mail d’un DJ russe qui me dit : « Je suis tombé sur ta reprise. J’ai fait un remix. Qu’est-ce que tu en penses si on le sort avec un fichier MP3? »», rembobine-t-elle. «Je me suis dit que c’était marrant, parce que ma voix est hyper-pitchée (NDLR : modifiée), c’est un peu trafiqué, c’est des rythmes très dansants. Donc, je n’avais pas du tout l’habitude de m’entendre comme ça», poursuit l’artiste, séduite par le résultat.
Heureux accidents
Elle l’autorise à diffuser ce remix, pensant qu’il allait tomber dans les oubliettes d’internet. «Un DJ en Russie et moi avec mes 200 abonnés, ça ne peut pas exister. Et en fait, ça a fait cinq millions de vues en une semaine. Ensuite, on l’a sorti sur les plateformes et aujourd’hui, c’est des centaines et des centaines de millions» d’écoutes, constate Emma Peters, qui n’avait ni équipe ni label à l’époque. Depuis, avec ce DJ, «on a signé des contrats ensemble pour signer le titre et tout ça. Mais on ne s’est jamais vus, je pense qu’on ne se verra jamais», affirme-t-elle.
Il faut faire confiance à son instinct
En janvier, Emma Peters a sorti une de ses chansons originales, Déjà-vu, qui a connu elle aussi un «accident» de parcours à l’issue heureuse. «On a fait une super session studio. Et le producteur avec qui on travaillait a crashé son disque dur et il a tout perdu. On s’est retrouvés avec juste une piste qu’on appelle une « MAP », une mise à plat», qui contient tous les instruments et toutes les voix enregistrés, retrace-t-elle. «Normalement, on a une piste pour le piano, pour les batteries, pour la voix. Et on relisse tout ça. On fait ce qu’on appelle le mix et le mastering. Là, c’était impossible.»
«Choses magiques»
Sans parvenir à réenregistrer une session de la même qualité, décision est prise de travailler sur cette piste unique pour en sortir la version finale. «Je ne sais pas si le label est parfaitement au courant de toute l’histoire! En fait, ça marche vachement bien sur TikTok et tout ça», s’enthousiasme Emma Peters, signée chez l’indépendant Tôt ou Tard, la maison de disques qui héberge des artistes tels que Vianney, Vincent Delerm, Adé ou encore Shaka Ponk.
Cette bosseuse préfère toutefois «quand c’est propre», mais ces péripéties lui ont prouvé qu’il pouvait survenir «des choses assez magiques». «Je pense que parfois, quand il y a quelque chose qui se passe, on n’est pas obligé d’en faire des caisses. Il faut faire confiance à son instinct», a appris la chanteuse, qui jouera à la mythique Salle Pleyel à Paris, en novembre.