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[Musique] Durand Jones & The Indications, la fine fleur de la soul


Durand Jones & The Indications

Flowers

Sorti le 27 juin

Label Dead Oceans

Genre soul

Qu’il est bon de se plonger dans l’univers soul de Durand Jones & The Indications, de retour à point nommé en ce début d’été caniculaire. Et d’autant plus que les membres du groupe, depuis quatre ans, s’étaient consacrés à des projets chacun dans son coin : le leader nous avait gratifiés d’un très beau premier album solo aux accents gospel (Wait Til I Get Over, 2023); Aaron Frazer, batteur et deuxième voix de la formation, avait présenté deux facettes de la soul qui le font vibrer, la première, rétro à souhait (Introducing…, 2021), la seconde, plus moderne, plus intime aussi, faisait infuser de multiples influences, du hip-hop ensoleillé à Ennio Morricone, en passant par les crooners des années 1950 (Into the Blue, 2024).

Quant à Blake Rhein, multi-instrumentiste et troisième pilier des Indications, il a produit et prêté le son de sa guitare à d’autres représentants du «revival» du genre (Neal Francis, Michi) tout en poursuivant sa passion du «digging», exhumant nombre de pépites oubliées de la soul des années 1960 à 1980 qu’il présente régulièrement dans de très belles compilations.

Dans son ode au célibat (et plus gros tube de 2023), Miley Cyrus chantait : «I can buy myself flowers». Autrement dit : les preuves d’amour n’ont jamais autant de valeur que celles que l’on s’accorde à soi-même.

Pour Durand Jones & The Indications, qui se placent de toute évidence dans lignée de la «Philadelphia soul» la plus romantique, les fleurs revêtent un autre symbole, celui d’une amitié indéfectible qui dure depuis plus de dix ans, quand Jones, Frazer et Rhein se sont rencontrés en marge de leurs études de musique.

Flowers, à travers son titre comme dans son contenu, témoigne d’un groupe qui, parce que son art a bien éclos, recommence le cycle. On pourrait même croire qu’il s’agit là de leur premier disque, qui nous renvoie au temps où le trio, réuni pour la première fois en 2012 dans une cave de Bloomington (littéralement : «la ville florissante»), dans l’Indiana, plantait la première graine de ce qui allait devenir un groupe majeur de cette nouvelle soul américaine en pleine ébullition.

À contre-courant des devoirs imposés par l’industrie musicale, en particulier pour un groupe à succès, Durand Jones & The Indications ont en quelque sorte laissé cet album venir à eux, sans trop prévoir où et quand, en cultivant la nécessité qu’il naisse naturellement.

Dans cette optique, ce qui fait le cœur du projet, ce sont moins les chansons, qui encapsulent à la perfection un son qui perce l’âme et met les émotions à vif (on croirait entendre The Temptations, The O’Jays, Harold Melvin and the Blue Notes…), que les liens forts qui unissent les musiciens – la véritable raison de l’existence de ce quatrième album.

Dans ses opus précédents, le groupe a évolué d’une énergie purement rétro (Durand Jones & The Indications, 2016) à des orchestrations plus solides et raffinées, quasi cinématographiques (American Love Call, 2019), avant de foncer tête baissée vers les grooves cathartiques du disco (Private Space, 2021).

Avec Flowers, les arrangements sublimes et la profondeur orchestrale des instrumentations (avec entre une dizaine et une quinzaine de musiciens pour chaque chanson – rarement les mêmes d’un titre à l’autre) s’inscrivent dans une unité musicale sans ornements excessifs et sur le mode «laid back», romantique et apaisante.

Durand Jones & The Indications n’ont d’ailleurs jamais été du genre à faire état de leur virtuosité : leur maîtrise se manifeste à travers leur honnêteté et la conviction qu’ils mettent dans une musique qui rend hommage à leurs illustres aînés, tout en ayant atteint la meilleure expression de leur propre son.

La différence majeure apportée par ce nouvel album reste l’idée formidable de multiplier les passes de micro entre Durand Jones, véritable caution soul de la scène actuelle qui aurait mérité sa place, à une autre époque, au sein des meilleurs groupes vocaux de la Motown ou de Stax Records, et Aaron Frazer, crooner au falsetto reconnaissable.

Cela peut donner envie de s’envelopper dans l’élégance satinée de I Need the Answer, puis de bouger la tête tout en douceur sur le groove de Been So Long (chantés par Frazer); ou encore d’être contaminé par l’énergie remuante de Really Wanna Be With You avant de s’émouvoir à chaudes larmes sur Rust and Steel, point d’orgue mélancolique du disque fort d’une grandeur sonore à couper le souffle (chantés par Durand Jones).

Quand les deux se partagent le beau rôle sur la même chanson, c’est en clôture de ce somptueux album, avec un titre que les Delfonics n’auraient pas mieux chanté, et qui en dit long sur le sentiment d’affection mutuelle qui règne au sein du groupe : Without You. La preuve qu’entre eux, c’est loin d’être fini.

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