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[Musique] DJ Muggs continue d’écrire sa légende


Il est l’une des figures incontournables du hip-hop et, par rebond, fait toujours l’actualité.

Rien que cette année, il a pondu un énième instrumental (Notes and Tones), l’anonyme projet Lofi Punk (avec 8tari) et Champagne for Breakfast en compagnie de deux autres caïds, Meyhem Lauren et Madlib. Rien de comparable toutefois avec ce qui occupe DJ Muggs cet été, où il est doublement mis à l’honneur : les trente ans de la sortie de Black Sunday de Cypress Hill, et celle, toute fraîche, d’un nouveau volet de sa compilation Soul Assassins.

Un petit retour en arrière s’impose : avec B-Real (reconnaissable par sa voix nasillarde) et Sen Dog (avec son bob vissé sur la tête), le beatmaker new-yorkais complétait le solide trépied de ce qui allait devenir l’un des plus gros groupes de rap des années 1990. Après un premier disque déjà de haute facture, le collectif enfonce le clou le 20 juillet 1993 avec le second, ses tubes en pagaille (Insane in the Brain, I Ain’t Goin’ Out Like That, I Wanna Get High, A to the K…), sa célébration de la langue espagnole et son vice qui fera de lui un pionnier en la matière : la consommation d’herbe.

Musicalement, derrière ses platines, Lawrence Muggerud (de son vrai nom) impose sa signature : si celle-ci s’exprime sous le soleil de Californie, elle préfère refléter l’ADN de la culture hip-hop, qui a pris racine et s’est fait les dents dans les quartiers dévastés et violents du Queens à Los Angeles. Il en sera alors l’expression musicale, avec ses sonorités sombres (voire lugubres) et lentes, agrémentées de soul, de jazz, de guitares et de voix piochées dans des films. Ambiances fantomatiques (avec son imagerie faite de squelettes et de cimetières) et rythmique qui fait bouger les têtes, voilà pour les ingrédients qui vont faire de lui une référence.

Vous ne pouvez pas échapper à la mort, mais vous pouvez atteindre l’immortalité

Rien d’étonnant, alors, de vite le retrouver à la tête d’autres projets ou d’autres singles marquants. On lui doit ainsi l’hymne planétaire Jump Around de House of Pain et le fameux Check Yo Self d’Ice Cube. Il sera aussi une oreille avisée pour certaines productions de U2, Janet Jackson et Depeche Mode. Et dans le milieu rap qui l’a vu grandir, il multiplie tous azimuts les collaborations et réussites avec des sommités et des jeunes loups – Funkdoobiest, MF Doom, GZA, Action Bronson, Conway the Machine, Roc Marciano, Mach-Hommy et bien d’autres.

Parmi ces nombreux travaux collectifs, un domine tous les autres : celui opéré sous la casquette Soul Assassins, dont le tout premier remonte à 1997, avec son casting mêlant stars (B-Real, Dr. Dre, RZA, KRS-One, Mobb Deep…) et figures de l’ombre comme La the Darkman ou Call O’ Da Wild, posant toutefois tous ensemble sur la pochette comme autant de personnages d’un western de Sergio Leone. Trois autres volets suivront dans un rythme échevelé – Soul Assassins II (2000), Intermission (2009) et Dia del Asesinato (2018) – avant ce nouveau chapitre intitulé Death Valley.

Avouons-le, il ne change rien à la donne, mais réaffirme certains principes : d’abord celui de mettre dans le même panier et derrière le même micro des rappeurs à la notoriété acquise et ceux dans la pénombre de l’underground. Ainsi se mélangent ici Freddie Gibbs, Ghostface Killah, Westside Gunn, Ice Cube, Method Man, CeeLo Green, B-Real (toujours lui!), ainsi que Rome Streetz, Jay Worthy ou le duo T.F-2 Eleven. Sur des sons qui donnent des frissons, DJ Muggs les associe par compatibilité plutôt que par contraste. En somme, les met dans les meilleures conditions possibles.

C’est d’ailleurs la seconde constante : avec ces productions à la fois solides et conservatrices, il n’y a certes pas de surprises, mais les rappeurs, à leur aise dans cet écrin qu’ils connaissent bien, donnent souvent les meilleures versions d’eux-mêmes, pour mieux se réincarner en gangsters et en criminels (la longue vidéo qui accompagne l’album, prévue pour la mi-septembre, devrait en attester). Comme quoi, une bonne boucle et une bonne rythmique suffisent à faire notre bonheur. Au milieu de l’agitation, DJ Muggs a également le sens de la formule qui claque : «Vous ne pouvez pas échapper à la mort, dit-il, mais vous pouvez atteindre l’immortalité.»

DJ Muggs – Soul Assassins 3 : Death Valley

Sorti le 25 août

Label Soul Assassins Music

Genre hip-hop