Critique de la comédie «Mortelle raclette » de François Descraques avec Faustine Koziel, Irina Muluile, Bérangère McNess…
Depuis toujours, l’industrie pornographique s’est servie du cinéma plus «classique» pour en faire des parodies à la pelle, avec ses titres aguicheurs aux jeux de mots tout en finesse (qui ne cachent jamais leurs emprunts) et ses scénarios ramenés à l’essentiel : ce qui se passe en dessous de la ceinture.
Dans l’autre sens, le procédé est plus rare. Certes, il y a ces films, voyeurs, qui en racontent les coulisses comme Larry Flynt (1996) et Boogie Nights (1997). Et d’autres qui assument s’en servir pour se marrer ou se faire peur, à l’instar du dernier exemple en date : le bien nommé X de Ti West (2022), transportant une équipe de tournage au fin fond du Texas pour une production «olé olé» qui finira dans un bain de sang façon Massacre à la tronçonneuse.
Quand on parle de films X, Canal+ n’est jamais bien loin, précurseur du genre en France pour sa diffusion (en crypté) dès les années 1980. Ni pour ce qui est des pastiches de fin d’année d’ailleurs : rappelons que La Classe Américaine, modèle en termes de détournement, est sorti la nuit de la Saint-Sylvestre 1993.
Et la chaine, qui aime toujours les concepts et l’humour «décalé» comme elle l’écrit, a eu une nouvelle idée pour sa grille de programmation : proposer chaque 25 décembre, entre la dinde et la buche, une production originale animée par une équipe de chez elle (comme c’est de coutume), qui s’attaquerait au sacro-saint film de Noël en y chahutant les nombreux codes. De l’irrévérencieux, donc, mais à portée familiale… C’est Mortelle Raclette qui s’y colle en premier.
Aux manettes pour ce coup d’essai, François Descraques, connu principalement pour Le Visiteur du futur, web-série qui cartonna sur Dailymotion dès 2009, avant de devenir un long-métrage en 2022. Le réalisateur évite cette fois-ci de s’étaler et, dans un format ramassé (un peu plus d’une heure), imagine un «film de boules… de Noël !».
Soit une excursion coquine en Savoie, sous la neige et dans un chalet typique où sera tourné Tire-Fesses, production amateur qui, malgré ses airs vintage, respecte les nouveaux paradigmes d’un secteur bousculé par le mouvement #MeToo et ses dérivés. Le film sera ainsi sous le signe de la parité et de la bienveillance, chapeautée par une coordinatrice d’intimité également formée aux tournages éco-responsables. Avec elle, en effet, les préservatifs sont vegan et les godemichés en bois des Vosges…
Le reste de l’équipe ne manque pas de saveur : il y a l’actrice pas si bête qui se rêve en auteure de thrillers, l’acteur égocentrique au cerveau dans le caleçon, l’assistante de production maniaque, le maquilleur à l’homosexualité exacerbée ou le réalisateur frustré, fin connaisseur du 7e art au point d’en emprunter les répliques.
Mais alors que la troupe se met en piste et tombe les anoraks devant le feu de cheminée, elle va vite se retrouver coupée du monde par d’importantes chutes de neige et une panne de wi-fi. Pire, dehors, la tempête réanime un chasseur alpin prisonnier des glaces depuis 1888, comme dans Hibernatus. Pas de bol : l’homme étant gymnophobe (la phobie de la nudité) et franchement psychopathe, ce «safe» tournage ne va pas l’être du tout et se transformer en jeu de massacre façon «slasher movie».
Le film n’est jamais très drôle, jamais marginal, encore moins gore et polisson
Derrière la farce, assumant son côté série Z jusqu’à son décor en carton-pâte, Mortelle Raclette rappelle que la maison Canal+ a gardé de vieux réflexes qui ont fait son succès, notamment un : jouer l’insolence avec une brochette de nouveaux talents, plus ou moins proches de la chaine, qui ne demandent qu’à se montrer.
Au casting en effet, de nouvelles têtes encore discrètes (en dehors de celles connues de Fred Testot et d’Irina Muluile) comme Faustine Koziel, Jessé Rémond Lacroix, Esteban Vial ou Bérangère McNeese. Un peu de fraîcheur dans une ambiance glacée, ça ne manque pas de sens, et l’ensemble se débrouille plutôt bien, ce qui n’est pas rien vu la légèreté du texte, les blagues parfois lourdes et les caricatures qu’ils incarnent. D’ailleurs, la troupe a «vocation à faire plein de choses sur Canal+», précise la chaine.
Cela dit, peut-être en raison de sa programmation à des heures censées satisfaire tout le monde, Mortelle Raclette n’y va jamais à fond, comme si elle attaquait une pente en chasse-neige. Le film n’est à ce titre jamais très drôle, jamais marginal, encore moins gore et polisson. Peut-être que c’est aussi le signe d’une époque plus convenue et plus craintive, avec dans l’ombre, l’imposante figure de Vincent Bolloré qui cherche à donner une autre image à sa chaine.
Dans ce sens, on lui préfèrera alors Red Is Dead, la très courte parodie imaginée par Les Nuls, qui sert de cadre à sa Cité de la peur (1994) ou, dans le même registre, Coupez! (2022), pastiche de Michel Hazanavicius qui, précisons-le, a lui aussi débuté sur Canal+. Dès lors, cette dernière a une année pleine devant elle pour imaginer la suite de ce nouveau cycle, de sortir de cette forme molle et, qui sait, d’oser sans faire semblant. Et tant pis si tonton Gérard s’étrangle devant sa terrine de foie gras.