Pierre Tchernia, décédé samedi à l’âge de 88 ans, a été l’un des pionniers de la télévision française où il a transmis sa passion du cinéma à des générations de téléspectateurs, devenant l’ambassadeur du grand écran sur le petit.
« La disparition de Monsieur Cinéma met en tristesse la cinéphilie », a déclaré Gilles Jacob, ancien président du festival de Cannes. « Il a rendu le grand public cinéphile sans qu’il s’en aperçoive ».
« Sa voix et sa silhouette étaient connues de tous, et chacun se sentait proche de ce grand homme de culture », a déclaré de son côté Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). « Le cinéma perd l’un de ses plus brillants défenseurs. »
Pierre Tcherniakowski, né le 29 janvier 1928 à Paris, a grandi à Levallois-Perret. Son père, ingénieur, est un immigré ukrainien. Sa mère est couturière.
Il fréquente avec assiduité un cinéma de quartier, « Magic Ciné », découvrant Buster Keaton et les grands classiques du cinéma américain. De là date sa passion jamais éteinte pour le 7è art. « Je suis incapable de dire pourquoi j’aime certains films. J’aime +L’Atalante+ de Jean Vigo comme on aime une femme », avouait-il.
Il suit des études de cinéma, notamment à l’Institut des hautes études cinématographiques, où il côtoie Claude Sautet, puis s’oriente vers la télévision, qui en est à ses balbutiements.
Embauché par Pierre Sabbagh, Pierre Tchernia participe à la création du premier journal télévisé en 1949, époque où la France compte moins de 3.800 postes de télévision.
Il collabore à « Cinq colonnes à la Une », présente « La Piste aux étoiles » à partir de 1965, « L’Ami public numéro 1 » (consacré à l’univers de Walt Disney), SVP Disney, qui a marqué le jour de Noël de 1964 à 1978. Il lance aussi en 1966 un jeu télévisé consacrée au cinéma (« Monsieur Cinéma »), qui teste les connaissances de candidats sur le 7e art, et devient une émission-culte.
« Magic Tchernia »
Avec cette émission et celles qui lui succèdent, il transmettra pendant 20 ans son amour du cinéma et finira par incarner le grand écran sur le petit. Il y gagne le surnom de « Monsieur Cinéma », alors que ce terme désignait en fait le gagnant du jeu.
Sa simplicité, sa bienveillance et sa réelle gentillesse, alliées à des connaissances encyclopédiques et à un physique imposant (1,87 mètre pour une centaine de kilos) en font l’un des animateurs les plus populaires de l’histoire de la télévision.
En 1994, sa carrière redémarre quand Arthur lui demande de coprésenter « Les Enfants de la télé », sur France 2 puis sur TF1, ce qu’il fera jusqu’en 2006.
Arthur, qui lui donne le surnom de « Magic Tchernia », lui a toujours rendu hommage. « Il n’y a pas une émission qu’on démarre ou qu’on termine sans penser à toi. Ces vingt ans, je les partage avec toi parce que je te dois toute ma vie », lui avait déclaré l’animateur à travers l’écran, lors des 20 ans de l’émission en 2015.
Il évoquait son demi-siècle de télévision sans nostalgie ni naïveté. « Le grand changement, ce n’est ni la naissance de la 2è chaîne ni la couleur. Ce sont les années 80, l’arrivée du pognon », avait-il déclaré.
Journaliste, animateur, Pierre Tchernia était aussi réalisateur. Il avait mis en scène cinq oeuvres de Marcel Aymé (dont « Le Passe-muraille » et « Héloïse ») pour la télévision, « le Viager », « Bonjour l’angoisse » pour le cinéma.
Ses amis Goscinny et Uderzo, les créateurs d’Astérix, avec lesquels il a fait quelques dessins animés, l’ont à plusieurs reprises caricaturé. On le retrouve par exemple sous les traits du centurion Gazpachoandalus dans « Astérix en Corse » ou en général de César dans « Astérix légionnaire ».
Pierre Tchernia était père de quatre enfants, nés de son union avec Françoise Pépin.
Le Quotidien / AFP