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Mort de Michael Cimino, réalisateur de « Voyage au bout de l’enfer »


Michael Cimino aura marqué le cinéma par son "Voyage au bout de l'enfer" ("The Deer Hunter"), une épopée de trois heures qui évoque la guerre du Vietnam à travers la vie de trois amis. (photo AFP)

Le réalisateur et scénariste américain Michael Cimino, qui aura marqué l’histoire du cinéma avec son épopée, le film « Voyage au bout de l’enfer », est mort samedi à Los Angeles à l’âge de 77 ans.

Son décès, annoncé par un tweet du directeur du festival de Cannes Thierry Frémaux, puis par le New York Times, citant un ami, a été confirmé par le Service de médecine légale de Los Angeles. Le corps du réalisateur a été retrouvé à son domicile, et les causes de la mort restent à déterminer, a indiqué à l’AFP le lieutenant B. Kim.

Selon un ami de Cimino, l’ancien avocat Eric Weissmann, cité par le New York Times, le corps a été découvert après que des proches eurent en vain essayé de le joindre au téléphone.

L’ancien président du festival de Cannes Gilles Jacob, qui, en 2007, lui avait commandé son dernier film – un court métrage pour les 60 ans du festival -, l’avait vu à Paris il y a trois mois. « Il allait bien, il ne donnait pas l’impression d’être souffrant ». « Il m’avait apporté un roman » qui ne trouvait pas d’éditeur aux Etats-Unis, raconte-t-il.

Michael Cimino aura marqué le cinéma par son « Voyage au bout de l’enfer » (« The Deer Hunter »), une épopée de trois heures qui évoque la guerre du Vietnam à travers la vie de trois amis.

Dans une des scènes passées à la postérité, les personnages incarnés par Robert De Niro et Christopher Walken, prisonniers des Nord-Vietnamiens, jouent à la roulette russe. Le film récoltera cinq Oscars en 1979 dont celui du meilleur film, et de meilleur réalisateur pour Cimino. « Notre travail ensemble est quelque chose dont je me souviendrai toujours », a réagi samedi Robert de Niro, pour qui « il va beaucoup manquer ».

Né à New York le 3 février 1939 (date communément retenue faute de date officielle) d’un père éditeur de musique et d’une mère styliste, Michael Cimino étudie la peinture, à l’université de Yale et à New Haven. Puis il réalise des spots publicitaires pour la télévision.

En 1971, il s’installe à Los Angeles et se lance dans l’écriture de scénarios comme « Silent Running », récit de science-fiction écologique, « L’Inspecteur Harry », « Magnum Force », avant de réaliser « Thunderbolt and Lightfoot » (« Le Canardeur ») en 1974, avec notamment Jeff Bridges et Clint Eastwood qui produit le film.

Fiasco financier

Le succès viendra avec « Voyage au bout de l’enfer », en 1978. A contrario, « La porte du paradis » (« Heaven’s Gate », 1980) n’est à l’affiche qu’une semaine. Egratignant le mythe fondateur du melting pot, cette saga est un fiasco critique et financier, fatal pour United Artists qui avait grandement investi pour ses 3H40 de projection.

« Il voulait soi-disant battre en budget Coppola et Apocalypse Now », dit Gilles Jacob. « A la longue, c’est Coppola qui aura gagné cette rivalité, car il aura fait plus de films. En tout cas, ils sont comparables, dans leur folie qui confine au génie », ajoute le Français, qui décrit aussi son ami comme un homme à l’abord « très doux ».

Dans une interview au magazine américain Vanity Fair en 2010, Michael Cimino avait dit son espoir que quelqu’un reconnaîtrait un jour « La Porte du paradis » comme un chef d’oeuvre.

En 2012, Cimino en dévoile une version intégrale, remastérisée, qui trouve enfin son public. Le directeur de la Mostra de Venise, Alberto Barber, qualifie même de « chef-d’oeuvre absolu » cette évocation du combat sanglant de riches éleveurs du Wyoming contre des immigrés d’Europe centrale, avec l’accord tacite des autorités fédérales.

Après ce cuisant épisode, Cimino doit attendre cinq ans pour revenir en grâce en 1985 avec « L’année du dragon », sur la mafia chinoise, qui lui valent des accusations de racisme de la part de la communauté asiatique.

Suivent trois échecs commerciaux: « Le Sicilien » en 1987, sur le bandit Salvatore Giuliano, que ses détracteurs l’accusent de glorifier, « Desperate Hours », remake de La maison des otages de William Wyler, en 1990, et « The Sunchaser » en 1996, road movie sur les Navajos dans les montagnes du Colorado.

Lorsque la caméra lui fait défaut, Cimino s’exprime par l’écriture, notamment avec « Big Jane », un beau portrait de femme et de l’Amérique des années 1950 publié chez Gallimard en France en 2001 faute d’éditeur américain.

Le Quotidien / AFP