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Mort de Marc Riboud, photographe de « l’engagement humaniste »


Marc Riboud, ici en mars 2009, faisait partie de ces quelques photographes aux clichés mondialement connus. (photo AFP)

Le photographe Marc Riboud, mort mardi à 93 ans, est « un bon exemple de l’engagement humaniste » en photographie, affirme la jeune historienne Clara Bouveresse qui publiera au au printemps un ouvrage de référence sur l’agence Magnum chez Flammarion.

Qu’a apporté Marc Riboud à la photographie?

Clara Bouveresse : « Marc Riboud s’inscrit dans la continuité du travail de Henri Cartier-Bresson dont il fut proche toute sa vie. Il a eu une approche très dynamique de la photographie. Il restera comme un bon exemple de l’engagement humaniste, avec une vraie sensibilité d’auteur. Il a également toujours eu une haute idée du métier de photographe et de ce que peut la photographie. Il a beaucoup voyagé et il a incarné cette sensibilité d’auteur qui correspond si bien à la marque Magnum. Il fut vraiment dans l’esprit Magnum des années 1950/1960.

Il est entré chez Magnum en 1952, cinq ans après la fondation de l’agence. Il a rencontré Henri Cartier-Bresson et Robert Capa et il leur a plu. J’ai trouvé une lettre de Capa, en 1953, qui dit que Riboud est quelqu’un de +très talentueux+. Il deviendra membre à part entière de l’agence en 1955. Tous les jeunes photographes qui passaient à Magnum n’y sont pas forcément restés. Etre intégré dans l’équipe signifiait de facto que Marc Riboud était un photographe important ».

Photos de Cuba prises par Marc Riboud. (AFP)

Photos de Cuba prises par Marc Riboud. (AFP)

Quelles sont les photos les plus emblématiques de Marc Riboud?

« La photo la plus connue restera sans doute La jeune fille à la fleur (prise en octobre 1967 à Washington à l’occasion d’une manifestation contre la guerre du Vietnam, ndlr).

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La jeune fille à la fleur (photo Marc Riboud)

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Peintre de la Tour Eiffel. (photo Marc Riboud)

Il y a bien sûr la photo du « Peintre de la Tour Eiffel » prise en 1953 et que tout le monde connaît. On retiendra ses photos en Chine, avant la révolution culturelle. Beaucoup de photographes suivront ses pas en Chine mais il fut un des premiers à s’y rendre.

Issu d’une famille bourgeoise, n’ayant pas besoin de la photo pour vivre, il y a aussi les photos qu’il a refusé de prendre. En 1971 à la fin de la guerre du Bangladesh, il a ainsi été témoin de scènes de violences entre les vainqueurs partisans de l’indépendance et les pro-Pakistan. Contrairement à d’autres photographes sur place, il n’a pas voulu prendre de photos en estimant que la présence des photographes attisait la violence.

« Les photographes fonctionnent beaucoup par coups de coeur, mais je crois qu’il y a des hauts-le-coeur aussi », avait-il expliqué. Au-delà de son oeuvre personnelle, il s’est beaucoup investi – il a été président de Magnum en 1975 -, pour défendre une certaine vision de la photo ».

Comment travaillait-il ces dernières années?

« Il n’a jamais cessé de voyager. En 2003, il a publié des photos de manifestations contre la guerre en Irak en Angleterre. On l’a vu en Turquie, en Afrique du Sud, au Japon et encore et toujours en Chine.

Un des problèmes, rencontrés par beaucoup d’autres photographes, sont que les supports pour publier des photos se sont réduits. Même s’il n’était pas dogmatique sur la couleur, Marc Riboud publiait essentiellement en noir et blanc quand on publie aujourd’hui surtout en couleurs.

Il est devenu un photographe classique, incarnant une certaine tradition de l’agence Magnum avec ce regard un peu décalé.

Au-dessus de tout, je garderai de son oeuvre The Three Banners of China, un livre exceptionnel de 1966 qui demeure un exemple pour les jeunes photographes de ce qu’on peut faire en photographie. A tous les jeunes photographes de Magnum, même s’ils font des choses différentes, Marc Riboud aura laissé une ambition pour la photo ».

Le Quotidien / AFP