« J’ai tellement peur de ne pas être à la hauteur » de Stieg Larsson. A la veille de la parution du très attendu tome 4 de « Millénium », le romancier suédois David Lagercrantz a confié avoir été pétri d’angoisse en écrivant la suite de la célèbre trilogie de polars.
Sur une estrade aménagée pour l’occasion et sous le regard bienveillant de son éditrice Eva Gedin, le journaliste et romancier avoue mercredi à Stockholm, devant une trentaine de journalistes étrangers, avoir été « terrifié ». « Longtemps j’ai dit que j’étais maniaco-dépressif, en permanence, et je pense que c’était une bonne chose pour écrire », dit-il.
« Je n’étais pas la personne la plus facile à vivre parce que je ne pensais qu’à ça. J’ai tellement peur de ne pas être à la hauteur » de Stieg Larsson, le créateur de la trilogie disparu avant sa publication et sans donc connaître son retentissant succès, poursuit-il.
Ce qui ne me tue pas, tome 4 qui évoque l’Agence américaine de la sécurité nationale (NSA) et l’intelligence artificielle, paraît jeudi dans 25 pays. Quelque 2,7 millions d’exemplaires ont déjà été imprimés, dont 500.000 aux Etats-Unis et 41 maisons d’édition à travers le monde ont acquis ses droits. Les trois premiers tomes s’étaient vendus à plus de 80 millions d’exemplaires.
David Lagercrantz évoque son « amour » pour cette oeuvre, à grand renfort de superlatifs. « C’est la passion de ma vie et maintenant vous pouvez juger, mais j’ai vraiment fait de mon mieux ».
Vécu d’un élégant costume bleu nuit, l’auteur semble nerveux. D’abord main dans les poches, il essaie de se donner une contenance avant de commencer à gesticuler, évoquant la « fièvre » qui l’a pris dès le début de l’écriture du roman, le plaisir à poursuivre les aventures de Lisbeth Salander, hacker géniale au passé tourmenté, et Mikael Blomkvist, journaliste d’investigation. « Je rêve d’être Mikael Blomkvist. C’est un mec sympa avec de bonnes valeurs », estime-t-il. Au premier rang, le père de Stieg Larsson, Erland Larsson, assiste à l’événement, mi-amusé mi-sérieux. « Stieg se serait sans doute tenu plus en retrait et aurait été plus prudent », confie-t-il.
Avec son fils, Joakim Larsson, ils sont les héritiers de l’écrivain et journaliste, au grand dam de son ancienne compagne, Eva Gabrielsson, qui les accuse de mal gérer son oeuvre. Elle a vécu aux côtés de Stieg Larsson pendant 32 ans, jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque en 2004. Écartée de sa succession car ils n’étaient pas mariés, elle n’a jamais trouvé d’accord avec la famille Larsson.
Au printemps, elle avait confié son dégoût pour le « business » Millénium. « On dit que les héros doivent continuer à vivre. Mais c’est des conneries, parce qu’en fait, c’est une histoire d’argent. On a une maison d’édition qui a besoin d’argent et un écrivain qui n’a rien d’autre à écrire que de copier les autres », s’était-elle indigné.
Des accusations balayées par l’éditeur Norstedts, qui rappelle que chaque maison d’édition publie des livres en espérant gagner de l’argent, mais reste bouche cousue sur le chiffre d’affaires espéré. Sur ce point, Erland et Joakim Larsson sont un peu plus volubiles. Leur part des recettes sera intégralement reversée au magazine antiraciste Expo et ils tablent, pour commencer, sur 5 millions de couronnes (plus de 500 000 euros).
Selon eux, le livre, que peu de gens ont été autorisés à lire avant sa sortie, est excellent. « Je l’ai gardé sur ma table de nuit une semaine avant de l’ouvrir. J’avais un peu peur. Mais une fois qu’on a commencé, c’est impossible de s’arrêter », assure Joakim Larsson.
Sur l’intrigue, on n’en saura pas beaucoup plus que l’on savait déjà. « On retrouve le monde de Stieg Larsson », se contente de souligner l’éditrice, même si le roman se déroule de nos jours. « Avant, les piratages les plus importants étaient fait par des hors-la-loi, maintenant c’est l’État et les services de renseignement. Nous vivons dans un monde où on a besoin de Lisbeth Salander plus que jamais », se réjouit David Lagercrantz.
Malgré toutes les précautions, un buraliste de la gare de Stockholm a mis en vente l’ouvrage quelques minutes, un jour avant sa sortie. Un seul exemplaire aurait été vendu, selon Norstedts.
AFP/S.A.