Avec Mon cœur a déménagé, Michel Bussi revient en Normandie, sa région, pour en faire le cadre d’un polar dans lequel Ophélie va tenter de venger sa mère, tuée par son père dix ans plus tôt.
Ce soir-là, comme un cri de désespoir : « »Mon mari va me tuer ! Vous entendez ce que je vous dis, monsieur Vidame ? Mon mari va me tuer ! » Tu l’as répété au moins trois fois, maman (…) Vidame ne t’a pas répondu. Il s’est contenté de regarder sa montre, une grosse montre dorée». Quelques lignes plus bas, quelques dix secondes plus tard : «Je suis désolé, Maja, je suis travailleur social, pas policier. Le seul conseil que je peux vous donner, c’est d’aller porter plainte. C’est l’unique façon de vous protéger».
Une petite fille de sept ans prénommée Ophélie a entendu tous ces mots. Le désespoir de sa mère, la légèreté du travailleur social… Dix ans plus tard, devenue jeune femme, Ophélie, surnommée Folette par ses proches, s’est promis de venger sa mère : alors qu’elle était poursuivie dans les rues de la ville par son mari, brutal et alcoolique, elle est passée par-dessus un pont, elle est morte.
Féminicide
Un jour, la mère avait dit au travailleur social qui refusait de lui donner de l’argent : «Mais vous ne comprenez pas ? Si mon mari n’a rien à boire, il va devenir fou!». Réponse de Vidame : «Je vais être clair, Maja. Je ne vous donnerai pas d’argent. Je le fais pour votre bien. Et pour le sien. C’est mon travail. Vous protéger». La protection n’était pas assez serrée, rapprochée, Maja est morte après être passée par-dessus un pont… L’horreur.
Un féminicide : voilà donc le sujet principal de Mon cœur a déménagé, le nouveau polar de Michel Bussi, un des poids lourds de l’édition francophone avec 12 millions d’exemplaires vendus dans le monde à ce jour. Géographe universitaire de belle renommée, il est entré en littérature à 40 ans, en 2006, avec un premier roman, Code Lupin. Cinq ans plus tard, avec Nymphéas noirs, c’est son premier grand triomphe. Depuis, il enchaîne les livres à succès, dont les droits sont achetés dans trente-huit pays.
La vengeance est un genre littéraire en soi
Pour Mon cœur a déménagé, il revient en sa région, la Normandie – il y vit, à une vingtaine de kilomètres de Rouen, ville traversée par la Seine et qu’il connaît jusque dans ses recoins. Où il fait courir l’intrigue de son polar, sur une dizaine d’années. Avec Ophélie ou Folette – on pourrait aussi la nommer «la vengeresse». Depuis la mort de sa mère en avril 1983 à Rouen, la jeune femme est habitée par une obsession tenace : la venger.
On pourrait penser que sa vengeance, elle la réserve à son père, qu’on peut tenir pour responsable numéro 1 du décès de Maja. On pourrait, mais pour elle, le fautif dans cette affaire, c’est Vidame, le travailleur social qui n’a pas écouté sa mère, son désespoir, ses appels à l’aide et au secours. Prendre son temps pour la vengeance. Ainsi, Ophélie va même aller jusqu’à retenir l’attention du fils de Vidame pour mieux l’approcher.
Obsessionnel et bouleversant
Deux mondes, alors, se frottent : les gens de peu, ceux de la rive gauche de la Seine à Rouen, là où, jusqu’à la fin du XIXe siècle, il y avait des forêts; et les installés, ceux de la rive droite – au fil des années, Vidame a grimpé les barreaux de l’échelle sociale. Dès lors, la jeune femme enquête. Cherche des témoins, tente d’assembler les pièces du puzzle… Parviendra-t-elle jusqu’à la vérité, elle qui a été placée, enfant puis adolescente, en foyer, elle qui fut collégienne rebelle puis étudiante sous une fausse identité?
Mon cœur a déménagé (titre inspiré de Si Maman si, chanson interprétée par France Gall en 1977), c’est le roman d’une quête aussi obsessionnelle que bouleversante. C’est aussi un roman d’amitiés, un thriller social et sociétal qui raconte les années 1990 en France… Récemment, Michel Bussi confiait que «la vengeance est un genre littéraire en soi». Mais la sagesse populaire affirme que la vengeance rend aveugle. Et si Ophélie-Folette s’était trompée de cible? Avec un Michel Bussi en grande forme et inspiré, le suspense demeure entier.
Michel Bussi. Mon cœur a déménagé. Presses de la Cité