Dans Mes joueurs et moi. L’homme qui murmurait à l’oreille des stars, Carlo Ancelotti, le coach italien du Bayern Munich, livre les secrets de sa méthode de management. En remportant, samedi, le championnat d’Allemagne avec le Bayern Munich, il est devenu le premier entraîneur de l’histoire à remporter quatre des cinq grands championnats européens.
Manager à la fois renommé et «vieille école», Carlo Ancelotti (57 ans) considère le football comme «un business, une vraie industrie mondialisée» où seuls «les résultats comptent». Pour parvenir à ses fins, le technicien italien a su bâtir une forme de leadership tout à fait singulière. Sa méthode douce, comme il l’appelle, place l’humain au cœur de son dispositif. Et celle-ci ne serait pas uniquement valable pour le football… mais transposable au monde des affaires. Foi de Don Vito Corleone!
Apprendre à diriger
Un manager, c’est globalement des idées, une vision, une approche et un style. Une façon d’être, une touche, qui lui est propre. Il doit, à sa façon, se conduire comme un meneur d’hommes. «Chaque leader est un melting-pot de traits, styles et caractéristiques de différents modèles», écrit dans l’introduction Chris Brady, l’un des coauteurs du livre. C’est un savant dosage, une question d’équilibre… À sa prise de fonction, il faut prendre le pouls : écouter, observer, tester des choses tout en garantissant la culture, l’identité et les traditions de l’entreprise. Il faut savoir également gérer les hommes, trouver des relais efficaces (sur et en dehors du terrain), déléguer certaines tâches… Mais aussi faire des choix.
Une leçon retenue en 1981 auprès de son sélectionneur de l’époque, Enzo Bearzot, après avoir fait le mur à la suite de son premier et unique but inscrit avec la Squadra Azzurra. «Toujours écouter les autres, mais à la fin, prendre sa propre décision.» Le 4-3-2-1 en sapin de Noël avec Pirlo en 6, c’est lui… Aligner Pippo Inzaghi en finale de Ligue des champions 2007 alors qu’il ne mettait pas un pied devant l’autre à l’entraînement, c’est lui… Ou déléguer la tactique d’une finale de FA Cup aux joueurs de Chelsea (2010), c’est encore lui… Bref, appelez ça comme vous voulez : le flair, le nez ou un 6 e sens footballistique…
La méthode douce
«J’essa(ie) de ne rien forcer, mais de suggérer, d’influencer – c’est ça, la méthode douce.» Gérer au quotidien un groupe de grands talents (avec tous les caprices et ego que cela comporte) n’est pas une mince affaire. Pour y arriver, il faut convaincre, séduire et réussir à obtenir leur adhésion au projet. Mais surtout via le relationnel – «la base de tout», dixit Carlo – être capable de tisser des liens forts, c’est-à-dire voir l’homme qui se cache derrière chaque joueur.
En clair, le respecter, lui accorder de l’attention, de l’importance et de la confiance, le comprendre, lui parler, le considérer, l’aimer. Même s’il fixe au préalable un cadre et des règles de fonctionnement, Carlo Ancelotti est à même de les revoir, autrement dit, de s’ajuster en cas de besoin. Car, dit-il, «la flexibilité finit toujours par payer». «La méthode douce est plus efficace : les dictateurs ne font jamais long feu», glisse-t-il malicieusement.
La zen attitude
«Carlo aime cette image qu’il renvoie au monde. Cette sévérité, cette impassibilité», assure Cristiano Ronaldo. «Carlo Ancelotti (sait) parfaitement maîtriser ses émotions. (…) (S)a plus grande force (…) est sa capacité à gérer la pression», poursuit Paul Clement, l’actuel boss de Swansea, qui fut son adjoint à Chelsea, Paris et au Real Madrid. «Carlo est un leader naturel, calme, authentique», confirme Zlatan Ibrahimovic.
«Carletto» force l’admiration car il dispose d’une autorité, d’une assurance qui font qu’en toutes circonstances il sait garder son pragmatisme, sa sérénité et son sang-froid. Cette tranquillité rejaillit sur son groupe, car en bon père de famille, il le protège du monde extérieur (notamment de l’«interférence présidentielle», dixit Alessandro Nesta), et le bonifie (ce qui pousse les joueurs à l’«effort discrétionnaire», en gros, à tout donner pour lui via le dépassement de fonction). Même si dans l’intimité du vestiaire, lorsque son sourcil espiègle se déforme, Carlo est tout de même capable de piquer de grosses colères…
Le cycle du leadership
On a coutume de dire que l’amour dure trois ans. Eh bien, il en va généralement de même pour un cycle de leadership dans un club (società en italien) d’après Carlo Ancelotti. Après la cour assidue, la lune de miel et le succès voire la stabilité, les premières fêlures apparaissent et conduiront inévitablement à la rupture. Même s’il a été tenté de revenir entraîner l’AC Milan où se trouve sa famille footballistique*, ça ne s’est finalement jamais fait. Un mal pour un bien selon Adriano Galliani, l’ancien directeur général des Rossoneri : «On dit qu’il ne faut jamais se remettre avec son ex…»
Ismaël Bouchafra-Hennequin
* Chose assez méconnue, Carlo Ancelotti, étiqueté AC Milan, avoue que dans sa jeunesse il admirait Sandro Mazzola et qu’il était fan… de l’Inter, le rival honni!
Mes joueurs et moi. L’homme qui murmurait à l’oreille des stars, de Carlo Ancelotti. Hugo & Cie.