Maurice Genevoix, dont la vocation littéraire est née dans les tranchées de la Grande Guerre, a immortalisé la mémoire des Poilus dans son remarquable récit « Ceux de 14 ».
A l’initiative du président Emmanuel Macron, il rejoindra mercredi la crypte des Grands Hommes et des Grandes Femmes du Panthéon aux côtés des 560 écrivains combattants dont les noms sont inscrits sur les murs de cette monumentale nécropole laïque.
Prix Goncourt pour son roman « Raboliot » (1925) et secrétaire perpétuel de l’Académie française pendant plus de quinze ans (de 1958 à 1973), ce survivant a occupé une place de premier plan dans la vie littéraire française du XXe siècle, célébrant « l’invincible espérance des hommes ».
L’écrivain de guerre
En août 1914, à la mobilisation générale, Maurice Genevoix qui connaît bien l’Allemagne, est élève à l’Ecole normale supérieure. Incorporé comme sous-lieutenant au 106e régiment d’infanterie, il participe à la bataille de la Marne et à la marche sur Verdun. Promu lieutenant, il vit le quotidien du fantassin, la boue, le sang, les orages d’acier, toute cette « farce démente ».
Le 25 avril 1915, il est grièvement blessé sur la côte des Eparges, un village de la Meuse surmonté d’une colline stratégique qui va engloutir 12.000 hommes en quatre mois.
Hospitalisé pendant sept mois, le jeune homme de 24 ans commence à écrire à partir de notes consignées dans les tranchées. En 1916, il publie « Sous Verdun », un récit dont le réalisme lui vaut d’être largement censuré.
Suivront « Nuits de guerre » (1917), « Au seuil des guitounes » (1918), « La boue » (1921) et « Les Eparges » (1923) réunis sous le titre « Ceux de 14 » en 1949.
« Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne pouvait demander à des hommes, et nous l’avons fait », écrit-il dans ce magistral témoignage, dénué de toute analyse subversive. Invalide à 70%, il est réformé. Son corps n’oubliera jamais la ligne de feu meusienne et ses nuits, témoignera sa seconde femme Suzanne, en resteront hantées.
Le peintre du Val de Loire
Né le 29 novembre 1890 à Decize (Nièvre), « petite ville en Loire assise », c’est au Val de Loire que Maurice Genevoix appartient.
« Je tiens plus que jamais comme un grand privilège d’avoir passé toute mon enfance dans une petite ville française d’avant 1914 », expliquait-il faisant allusion à Châteauneuf-sur-Loire où il grandit.
Puis c’est à Orléans qu’il suit son secondaire en brillant élève, déjà avide de s’exprimer. Il y perd sa mère à 12 ans.
Après la guerre, il retourne « avec ivresse » à Châteauneuf et y célèbre dans son premier roman, « Rémi des Rauches » (1922), la Loire, « miroir des clairs de lune et des nuits pleines d’étoiles ».
Il écrira des dizaines d’hymnes aux habitants de la Sologne, aux bêtes de la forêt, aux eaux du fleuve et des étangs: « Raboliot », « La boîte à pêche » (1926), « Rroû » (1931), « La forêt perdue » (1968).
Auteur d’une série de bestiaires de 1968 à 1971, le flâneur de Loire, qui s’est installé entre-temps dans le hameau de la Vernelle, est également un excellent écrivain animalier.
A sa mort le 8 septembre 1980, le président Giscard d’Estaing salue « le premier de nos écologistes ».
L’Académicien
Elu en 1946 à l’Académie française au fauteuil de Joseph de Pesquidoux, il en devient le secrétaire perpétuel en 1958. « Tu humanisais merveilleusement la fonction », regrettera Joseph Kessel lorsque Maurice Genevoix, avide de liberté pour écrire, démissionne en 1973.
On lui doit l’élection de Paul Morand, Julien Green, Montherlant. Membre assidu de la Commission du dictionnaire de la langue française, le pétillant conteur chasse les anglicismes de la littérature scientifique, participe à de nombreuses émissions télévisées et fait revivre tout un vocabulaire vernaculaire délaissé.
AFP