Malgré plus de vingt années d’existence, de sueur et de cris, le groupe français Mass Hysteria, en concert ce jeudi 3 mars à la Kulturfabrik, reste en haut de l’affiche. Sa philosophie «positive» et son metal sans concession sont pour beaucoup dans ce succès.
Les années passent mais ne touchent pas Mass Hysteria, insubmersible groupe qui récolte succès sur succès et comble un auditoire toujours plus garni, sur scène comme dans les bacs. Preuve en est avec un huitième album studio, l’explosif Matière noire, et la tournée qui s’ensuit, qui fait la joie de tous les furieux et passe ce jeudi 3 mars au Luxembourg.
Apparu en 1993, Mass Hysteria est le prototype du groupe de fusion rock-metal, aux influences multiples (rap, death, electro). L’énergie déployée par le quintette, devenu un vrai phénomène de scène, après vingt ans de carrière, force en tout cas le respect. Avec une palette «indus» enrichie, le résultat est d’autant plus détonnant. La furie a de beaux jours devant elle…
Entretien avec Yann Heurtaux, heureux guitariste depuis 1995.
Le Quotidien : Quel regard portez-vous sur la longévité de Mass Hysteria, en activité depuis plus de 20 ans?
Yann Heurtaux : Je suis très fier de cette carrière et je ne changerais pour rien au monde ce que l’on a fait jusqu’à aujourd’hui. Si on tient toujours debout, c’est grâce à la passion que l’on partage tous au sein du groupe. C’est vraiment incroyable d’être là, encore, et que ça marche toujours autant.
C’est vrai que vos albums sont toujours aussi bien reçus…
En effet, et ce qui rend notre évolution d’autant plus surprenante. Il suffit de voir le début de notre nouvelle tournée pour s’en rendre compte : au niveau du remplissage des salles et du comportement du public, c’est complètement fou! Ça ne s’essouffle pas! Plus que les ventes de disques, malheureusement…
Selon vous, musicalement bien sûr, à quel niveau avez-vous le plus évolué depuis vos débuts?
Avec les années, on se connaît de mieux en mieux. Du coup, la magie du début ne peut que s’amplifier, et c’est ce que les gens ressentent, apparemment. Après, si au niveau du jeu, on a peut-être un peu évolué, notre manière de composer et de travailler reste la même.
Avec un bémol, toutefois. L’électronique, très présente à la fin des années 90, semble se dissoudre au fil du temps dans le metal…
C’est bien de le souligner, même si, à mes yeux, elle est toujours présente, mais utilisée différemment. C’est vrai que nos trois derniers albums ont des racines plus metal, mais rien ne dit qu’un jour on ne reviendra pas à un truc plus électronique, de plus « indus », un peu à la Ministry du début des années 90. On ne s’interdit rien!
Parlons du dernier album, Matière noire , sorti il y a un peu plus de trois mois. Que suggère ce titre?
C’est une idée à Mouss (Kelai, le chanteur), qui en parlerait sûrement mieux que moi (rire) . Mais bon, la matière noire, c’est la masse manquante mais qui existe tout de même dans l’univers, qui est là mais qu’on ne voit pas. Il a fait le rapprochement avec le vote blanc, et toutes ces personnes dont l’avis et les choix, durant les élections, ne sont pas pris en compte. C’est un peu philosophique tout ça… On va dire que le vote blanc est la matière noire de la démocratie.
En tout cas, les auditeurs sont formels vis-à-vis de ce dernier disque : c’est brut de décoffrage!
Oui, ça prend aux tripes, non? Ça tient, je pense, à notre manière de composer, qui est toujours pensée pour le live. À une époque, on nous disait : « Alimentez le marché, sortez un single. » Ce à quoi on répondait toujours : « Hors de question! » Notre musique ne se conçoit qu’à travers les concerts et cette folie scénique. On a un côté instinctif, brut et immédiat dans notre créativité. Et nos albums, donc, s’en ressentent.
Vous êtes souvent perçus comme un groupe transmetteur « d’énergie positive ». Qu’en pensez-vous?
Le mélange entre sonorités puissantes et textes sensibles est notre credo, et c’est peut-être aussi pour cela que l’on touche un peu plus de monde que les autres, en France, notamment. Quand je suis entré, en 1995, au sein de Mass Hysteria, je venais de l’univers du death metal, mais on m’a dit d’emblée : « Reste comme tu es et garde ton son. » Une musique extrême qui s’est alors combinée aux textes dits « conscients » de Mouss, un peu dans l’esprit Rage Against the Machine. C’est ce qui fait notre signature : un mélange efficace d’humeurs et de genres.
Dans ce sens, pensez-vous que le public francophone apprécie votre philosophie de chanter en français, alors que le milieu metal-hardcore privilégie l’anglais?
Avec nous, de toute façon, c’est soit blanc soit noir! Il y a en effet des fans comme des détracteurs. Il y a tout un public qui se reconnaît dans les textes, parce que ça lui parle, simplement. Et un autre, au contraire, plutôt pro-américains, qui ne nous aime pas du tout. Les gens qui ne sont pas impliqués dans le metal, qui ne creusent pas et écoutent Metallica, System of a Down ou Rammstein, ont effectivement du mal avec Mass Hysteria…
Pourtant, on n’est pas défenseurs à tout crin du « made in France », comme ça a été le cas avec certains groupes dans les années 90. Au contraire, je dirais même, et c’est clairement mon cas, que notre culture est très américaine, à travers nos écoutes, nos choix de production… Mais le français reste notre langue et fait notre originalité.
On vous reconnaît la qualité de « monstres de scène ». Après tant et tant de concerts, n’y a-t-il pas, toutefois, une usure qui s’installe?
Non, pas du tout. La scène reste une passion, un exutoire. Effectivement, on n’a plus 20 ans, mais on essaye de prendre soin de nous. Par exemple, l’alcool, c’est uniquement après les concerts (rire) . En tout cas, on fait du mieux qu’on peu, on reste hyper-concentrés et on donne tout ce qu’on a. C’est assez fatigant, mais on y arrive plutôt bien…
Grégory Cimatti
Mass Hysteria, en concert à la Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette. Ce jeudi 3 mars à 20 h. Support : The Arrs.