Une cuisine d’un restaurant transformée en salle de mix ? L’émission Let Him Cook invite des DJ du monde entier à jouer pendant que les plats mijotent. Ou quand la house se mélange aux frémissements des casseroles. Ambiance.
Sourire radieux, il est catégorique : «J’ai autant pris mon pied dans cette cuisine qu’en étant devant 100 000 personnes sur un gros festival.» Charles B. a 500 000 followers sur Instagram et se produit en effet sur les grandes scènes mondiales. Mais comme d’autres DJ, il a également mixé dans la minuscule cuisine d’un restaurant de l’emblématique Vieux-Port de Marseille. Et il a adoré. C’est là que se tourne Let Him Cook («Laisse-le cuisiner»), une émission musicale qui rencontre un succès fulgurant sur les réseaux sociaux. Lancé en août, le concept attire des DJ des quatre coins de France et du monde qui passent aux platines alors que les chefs sont en plein service à l’arrière-plan.
Les friteuses fument et les flammes jaillissent des poêles alors que Carla Mo, casque aux oreilles, est en plein set de house. L’artiste marseillaise se met à danser avec Enzo Franceschi, cuisinier, qui met la dernière touche à un plat de pâtes avant qu’il parte en salle. «Au début, ça a été compliqué, surtout pour l’organisation», explique-t-il dans la pièce exiguë. Désormais, il ne saurait plus se passer de la présence de ces DJ, 80 en trois mois, qui se sont succédé dans la cuisine. «Des fois, vous pouvez perdre le fil quand vous avez un rush, vous ne savez plus où donner de la tête. Et en fait, ça nous permet de rester sur la ligne, ça nous ambiance, les commandes partent plus vite.»
«Nous, c’est l’authenticité»
«Ça sent super bon, c’est quelque chose d’immersif», s’amuse pour sa part Carla Mo. «Ce qui est différent d’autres lives, c’est qu’il y a une super énergie, de bonnes vibrations… Je me régale!» Radios en ligne et émissions filmées où des DJ sont invités à mixer fleurissent sur les réseaux sociaux. Un concept initié en 2010 par une plateforme britannique, Boiler Room, et qui s’est décliné en Allemagne avec la très populaire chaîne Hör où des artistes sont éclairés au néon dans un cube carrelé. Une esthétique froide souvent associée à la musique électronique que Théo Ferrato, 20 ans et fondateur de Let Him Cook, a voulu réchauffer. «Nous, c’est l’authenticité, c’est complètement naturel : il y a une connexion entre les chefs et le DJ. On peut pas tricher dans une cuisine», souligne-t-il.
«Il y a beaucoup de ressemblances entre la musique et la nourriture. Le fait de mélanger les univers, de prendre des ingrédients de plein de différents pays et de les mixer autour d’un bon plat», poursuit-il. Niveau musical, il y en a aussi pour tous les goûts : funk, electro, rap, house… Chaque soir, un nouvel épisode est filmé, puis diffusé quelques jours après. Le projet est né d’une résistance, celle de la grand-mère de Théo, à l’idée qu’il fasse de la musique. «J’ai été élevée par elle, elle est vietnamienne et elle voulait que je sois médecin. Elle avait un restaurant et il fallait que je lui fasse comprendre ce que je faisais, que je réunisse les deux univers», se souvient-il.
J’ai autant pris mon pied dans cette cuisine qu’en étant devant 100 000 personnes sur un gros festival
Avec Enzo, son ami cuisinier, ils filment un premier épisode et lui montrent. «Maintenant, elle adore! Son set préféré, c’est carrément de la hard techno!», se marre-t-il. Sur les réseaux, la sauce prend rapidement, avec plus de deux millions de vues pour une vidéo et des spectateurs qui se passionnent à l’autre bout de la planète… «Ça prend une ampleur incroyable!», explique Isabelle Hoang, mère de Théo et cofondatrice du projet. «En Asie, ils sont fans de nous parce qu’on est dans une cuisine marseillaise et ils adorent la gastronomie française. Et Théo incarne bien la ville de Marseille : il est tranquille, il est solaire, il est heureux.»
Des DJ brésiliens, grecs, italiens sont déjà passés en cuisine, des dates avec des artistes américains et indiens sont d’ores et déjà programmées. «Ça suscite l’attention de pas mal d’artistes en vogue sur la scène électronique», analyse Charles B., star des réseaux sociaux et habitué des grandes scènes internationales comme Tomorrowland, qui a lui-même mixé dans l’émission. «J’ai joué sur la muraille de Chine, dans un avion en plein vol et dans le désert du Sahara… Mais faire la fête dans la cuisine d’un restaurant, c’est quelque chose que je n’avais encore jamais vu, ni fait !