La saison 2015-2016 des Théâtres de la Ville de Luxembourg est surtout marquée par la passation des pouvoirs entre leur directeur Frank Feitler, qui prend sa retraite fin juin, et son successeur Tom Leick-Burns. Sinon, il y aura la comédie musicale Mamma Mia!
On pensait que c’était le seul apanage du festival de Wiltz ou encore du tandem Atelier-Rockhal. Eh bien non, la comédie musicale s’enracine aussi au Grand Théâtre. Étonnant? Pas vraiment quand elle est synonyme de succès, à l’instar de ce West Side Story programmé la saison dernière pour les 50 ans de l’établissement, et suivi par près de 12 000 spectateurs enthousiastes. La session de lundi midi, avec les chanteuses anglaises de Mamma Mia! , n’a pas produit la même exaltation dans les travées, garnies par de nombreux professionnels-partenaires, sûrement plus habitués aux déhanchements d’un Akram Khan que ceux d’un quatuor branché disco suédoise. Rude apéro de début de semaine, en tout cas.
Mais concédons toutefois au Grand Théâtre ce choix rétro-kitsch, justifié par une ouverture artistique de plus en plus prononcé, et conforté par un public hétérogène et clairement demandeur. En tout cas, les chiffres sortis par Lydie Polfer, bourgmestre de Luxembourg, ne souffrent d’aucune contestation : 42 292 spectateurs au cours du précédent exercice pour un taux de remplissage de 92,7 %… Oui, ça calme, surtout en exergue des quelque 73 spectacles proposés, dont 12 créations parmi lesquelles Antigone avec Juliette Binoche, pièce qui tourne aujourd’hui dans le monde entier, et pour le moins acclamée par la critique.
Un choix que n’a sûrement pas renié Tom Leick-Burns qui, ayant suivi son cursus théâtral à Londres, se sent à moitié anglais. Le 1er juillet prochain, il sera en tout cas pleinement directeur des Téâtres de la Ville de Luxembourg, après y avoir été, durant une dizaine d’années, responsable des productions. Comédien de formation, il reste très à l’aise sur scène et devant un auditoire, chroniquant le programme avec bagou et en trois langues, sans le moindre accroc s’il vous plaît! Avec, au passage, un clin d’œil à son emblématique prédécesseur, Frank Feitler, 65 ans, en poste depuis 2001.
«Continue donc comme ça!»
«Bon vent , lui lâche-t-il, et sache que ton numéro sera toujours en très bonne place dans mon téléphone.» Réponse bienveillante d’un mouvement de tête du toujours patron, plus taiseux que son successeur. Deux personnalités, certes, mais une même philosophie : celle de poursuivre, avec le Grand Théâtre et les Capucins, cette force de viser large et juste, avec des spectacles de grande qualité (on parle quand même d’un budget annuel de plus de 17 millions d’euros!) impliquant aussi bien la danse que l’opéra et, bien sûr, le théâtre.
«Il faut, coûte que coûte, maintenir la qualité et la diversité de la programmation, comme les collaborations internationales et nationales», martèle encore Tom Leick-Burns, comme pour se convaincre des missions qui lui sont assignées. Frank Feitler, lui, se contente de remercier tout son encadrement, sans qui «rien n’aurait été possible», avant de passer le témoin à son collaborateur dans un encouragement : «Continue donc comme ça!»
En parlant d’ailleurs de continuer, la saison en cours réserve encore quelques belles promesses, comme cette conclusion, le 30 juin, laissée à une habituée de la maison, Anne Teresa de Keersmaeker. Après les vacances, une quasi soixantaine de spectacles seront offerts, dans un subtile agencement entre théâtre, opéra et danse avec un accent particulier mis sur le geste chorégraphique. Parmi les temps forts, notons la venue – c’est une première! – de la compagnie de Pina Bausch, des classiques (Shakespeare, Dostoïewski, Beckett) comme des propositions du cru ( La vérité m’appartient de Nathalie Ronvaux, Dom Juan de Molière par Myriam Muller…) et même un contest hip-hop. Il y aura toujours moyen de digérer ce dense et riche programme durant 20 représentations avec ABBA en fond sonore. Mamma mia…
Grégory Cimatti
>> Programmation à découvrir sur www.theatres.lu
Les coups de cœur du nouveau directeur, Tom Leick-Burns :
« Avec une programmation d’une telle diversité, il est toujours assez difficile de faire des choix… Mais l’un des évènements, en théâtre, sera Van Den Vos , qui va vraiment transformer notre grande salle avec une mise en scène des plus spectaculaires signée du jeune collectif flamand FC Bergman. Sachant que je suis presque à moitié anglais, ayant vécu longtemps à Londres, j’ai une vraie envie de voir au Luxembourg The Pirates of Penzance , de Sir Arthur Sillivan et dans une mise en scène de Mike Leigh. Pour les fêtes, il ne faudra pas louper non plus le populaire Mamma Mia! et dans la danse, il trouvera bien sûr Pina Bausch. Masurca Fogo m’a véritablement bouleversé. »