Présenté hier en ouverture du festival de Cannes, Jeanne du Barry, film de Maïwenn avec le polémique Johnny Depp, s’attache au destin de la dernière favorite de Louis XV. Un drame historique cabotin avec poudre et perruques !
Loin du buzz médiatique autour de Maïwenn et Johnny Depp, stars de Jeanne du Barry qui a ouvert hier soir le festival de Cannes, ce film sur la dernière favorite de Louis XV est «académique» et «classique», revendique sa réalisatrice. Coproductrice, réalisatrice et actrice principale, Maïwenn, qui campe Madame du Barry, se délecte du fait que son long métrage, qui marque le retour à l’écran de l’acteur américain, étonnera les critiques par son classicisme. «C’était une façon de dire : vous ne me connaissez pas!», dit-elle.
Elle poursuit : «Je suis quelqu’un de multiple, d’imprévisible. Ce n’est pas parce que mes films avant étaient tournés de façon très moderne que je n’aime pas le cinéma classique, la musique classique, la langue française classique.» Lorsqu’elle propose à la star le rôle d’un roi de France, elle est loin de se douter que Johnny Depp et elle-même vont se retrouver pris dans des affaires judiciaires : lui lors de deux procès fracassants l’opposant à son ex-compagne Amber Heard, elle pour la plainte déposée en mars par le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel qui l’accuse de l’avoir agressé dans un restaurant à Paris.
Si Maïwenn ne commente pas son «affaire en cours» – elle a reconnu formellement l’agression, la semaine dernière lors de l’émission Quotidien –, elle confie avoir eu des «inquiétudes» concernant l’impact des procès de Johnny Depp. «Le film a été tourné l’été dernier, il sortait de son deuxième procès. J’avais plein d’inquiétudes, je me disais : qu’est-ce que son image va devenir?» Aucun regret, toutefois, sur le choix d’un acteur américain pour incarner un roi de France. «Avec lui, c’était une telle évidence», indique Maïwenn, qui dit avoir approché au départ deux acteurs français qui ont décliné ou tergiversé.
Elle et moi, on est du même tempérament, de la même planète
Avec un français presque parfait, Johnny Depp impressionne surtout par ses expressions faciales, amoureuses, amusées ou encore impérieuses, tout au long de ce film tourné dans plusieurs châteaux de France et en studio. C’est grâce au film de Sofia Coppola, Marie-Antoinette, que la réalisatrice a découvert le personnage de Jeanne du Barry, une fille du peuple, courtisane et dernier grand amour de Louis XV. «Ça me faisait fantasmer de faire un film d’époque, mais c’est la découverte de Jeanne du Barry incarnée par Asia Argento, qui m’a complètement obsédée», dit Maïwenn, dont le film Mon roi avait été en compétition pour la Palme d’or en 2015.
«C’est compliqué de justifier toujours ses désirs. C’est comme ça, elle m’a intriguée», s’impatiente-t-elle. «Elle et moi, on est du même tempérament, de la même planète», assure la réalisatrice, qui s’est mariée à 16 ans avec Luc Besson et avait évoqué dans des interviews avoir été victime de maltraitance de la part de ses parents. Maïwenn montre Jeanne du Barry – de son vrai nom Jeanne Bécu ou de Vaubernier – depuis son enfance auprès d’une mère sans scrupules, à son introduction à la cour de Versailles, choquée par son passé de prostituée.
«Je ne voulais pas faire l’impasse sur son côté vénal, ou même raciste avec Zamor», son page et ancien esclave qui, des années plus tard, provoquera sa condamnation à la guillotine. Comme Madame du Barry, elle a cherché à s’adapter aux «codes compliqués de la cour», introduits à l’écran par un Benjamin Lavernhe à la fois cocasse et touchant dans le rôle de La Borde, premier valet de chambre du roi. Si le film est loin de l’esprit «rock and roll» de celui de Coppola, sa réalisatrice assume quelques entorses à la réalité historique : Jeanne se marie au comte Jean du Barry, alors qu’en réalité, elle a épousé son frère Guillaume.
Le plus grand défi a été le manque de temps. «J’avais dix semaines, c’était très peu», dit Maïwenn. «C’est un film qui a coûté vingt millions, mais il en aurait fallu dix de plus» pour garder un rythme de tournage normal. Elle balaie toute controverse concernant le cofinancement saoudien du long métrage, estimant que «c’est la preuve que les mentalités évoluent». Selon le Collectif 50/50, la réalisatrice est aux commandes du film français réalisé par une femme au budget le plus élevé de l’année. «Ça coûte cher, le XVIIIe siècle !», commente-t-elle.