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Maite Hontelé, la trompettiste de salsa venue du froid


La musicienne a goûté à la Salsa "au biberon" (photo: AFP)

Femme, trompettiste et Néerlandaise: sur la scène salsera, Maite Hontelé arbore un pedigree hors normes, ce qui n’empêche pas cette grande blonde charismatique d’être adoubée par des pointures du genre et de brûler les planches, de Bogota à Séoul.

Née « par erreur » en Europe et « Colombienne de coeur », Maite Hontelé, 37 ans, aime surprendre: « Je n’ai jamais choisi la trompette », lâche-t-elle rieuse.

C’est l’instrument qui l’a élue: à neuf ans, dans son village de Haaften, aux Pays-Bas, où elle joue au pas de la fanfare locale, venue recruter dans son école.

Deux décennies plus tard, Maite jouera avec des grands de la salsa, tel le Panaméen Ruben Blades, le Vénézuélien Oscar de Leon, les Cubains de Buena Vista Social Club.

Elle s’installe en Colombie.

En 2014, elle est même nominée aux Grammy Latino 2014 pour « Dejame asi » (Laisse-moi ainsi) dans la catégorie « meilleur album de salsa », au côté des stars Marc Anthony et Tito Nieves.

Elle vient de passer deux mois à La Havane pour enregistrer son 5e disque, « Cuba linda » (Jolie Cuba), avec Orquesta Aragon.

Le lancement mondial du single « Casi Muero » (J’ai falli mourir), titre phare de l’album, a eu lieu le 3 novembre. Ce soir-là, Maite a fait salle comble au Colon, le grand théâtre classique de Bogota, qui compte près de 800 places.

Public debout

Dès sa troisième chanson, « Maria Cristina me quiere gobernar » (Maria Christina veut me diriger), le public se lève. De l’orchestre jusqu’au poulailler, il danse entre les fauteuils de velours rouge et Maite sur scène avec ses musiciens.

La foule reprend en choeur avec elle « Qué bonito » (Que c’est joli), « Nochecita » (Petite nuit), etc.

Comme beaucoup, Jaime Ospino, 49 ans, connaît toutes les chansons: « Ce concert est génial! », dira ensuite ce spectateur.

Vêtue d’une combinaison pantalon vert émeraude, la trompettiste est émue: « C’est ici, dans ce si joli théâtre » qu’elle a joué pour la première fois en Colombie, lors d’une tournée en 2003 avec le groupe néerlandais Rumbata Big Band.

« Je suis tombée amoureuse de la Colombie, de son public, ses villes, son énergie, sa diversité », se souvient-elle dans son appartement du quartier bohème de La Macarena à Bogota, où elle s’est installée récemment après avoir vécu sept ans à Medellin.

Début octobre, Maite jouait au Café Libro, haut lieu de la musique tropicale dans la capitale colombienne. Là aussi, salle comble: plus de 550 personnes, selon la direction.

Angela Ramirez y fêtait ses 38 ans. « J’ai toujours aimé la salsa. Mais une femme néerlandaise qui joue de la trompette en Colombie, ça donne des frissons! », dit cette fan qui a découvert Maite en 2009.

Aujourd’hui encore, une trompettiste, qui de surcroît dirige son propre groupe, ce n’est pas commun, et une Européenne salsera, encore moins. Mais dès ses débuts, Maite a élu une voie d’exception.

La salsa au biberon

Dès l’âge de 14 ans, elle préfère jouer des rythmes latinos. Puis elle convainc le conservatoire de Rotterdam de lui payer un professeur spécialisé, plutôt que de faire carrière dans le classique ou le jazz.

« J’ai grandi avec ces sons-là », explique-t-elle, évoquant son père amateur de musique caribéenne. Il collectionnait les « vinyles qu’il allait chercher jusqu’à Paris, à peine sortis des presses: Celia Cruz, el Gran Combo de Puerto Rico, etc. »

Adolescente, Maite Hontelé fait sonner sa trompette dans des boîtes de nuit des Pays-Bas « jusqu’à six heures du matin, seule femme dans un groupe d’hommes, jouant merengue, bachata, son cubain, salsa ».

Ce fut sa « meilleure école ». Pour elle, le secret du rythme ne réside « pas seulement dans la technique, mais là où est la saveur. Et la saveur est dans la rue. C’est là qu’il faut la chercher! »

Maite sillonne Bogota à vélo, se revendique végan, écoute du son cubain autant que du Bach ou de la pop, et aime n’être que « la voisine qui joue de la trompette ». « Cela ne m’intéresse pas d’être célèbre, de rouler en limousine! », dit-elle.

Cette artiste, dont l’instrument a déjà résonné en Corée du Sud, en Inde, aux États-Unis ou encore en Argentine et qui prépare une tournée européenne, n’a pas de maître mais adorerait « jouer avec Carlos Vives ».

« Ce serait clore un cycle »: gamine, alors qu’elle ne comprenait pas encore l’espagnol, elle chantait « Pa Maité » (Pour Maité), un tube de cet artiste colombien. « Je pensais qu’il s’agissait de moi », dit, mutine, Maite Hontelé, qui a « un autre rêve: jouer un jour avec le grand Sting ».

Le Quotidien/ AFP