Après plusieurs décennies de recherche, des informaticiens canadiens sont parvenus à mettre au point un programme informatique capable de battre tout joueur au « Texas hold’em », variante la plus populaire du poker ces dernières années.
Jusqu’à présent, la nature « imparfaite » (bluff, tactiques) rendait le poker beaucoup plus difficile à jouer pour les ordinateurs. (Photo : archives AFP)
« Le poker était un casse-tête pour l’intelligence artificielle depuis plus de 40 ans et jusqu’alors le Texas hold’em restait non-résolu », explique Michael Bowling, professeur à la faculté des sciences de l’Université d’Alberta au Canada, principal auteur de cette percée publiée dans la revue américaine Science.
Le poker appartient à un groupe de jeux dans lesquels il y a une part importante d’incertitude vu que les joueurs ne connaissent pas toutes les données, contrairement par exemple aux échecs ou au jeu de dames. Dans ces jeux, les joueurs savent tout ce qu’il s’est passé pendant la partie avant de décider de leur prochain mouvement, ce qui n’est pas le cas au poker avec des cartes distribuées à d’autres joueurs et surtout le fait que le bluff est une dimension clé de ce jeu.
Citant John von Neumann, fondateur de la théorie moderne des jeux, les auteurs relèvent que dans la vie réelle comme au poker les humains recourent au bluff, à des petites tactiques pour leurrer les autres et se demandent toujours ce que l’autre anticipe.
> Poker souvent menteur
La nature « imparfaite » du poker le rend ainsi beaucoup plus difficile à jouer ou à résoudre pour les ordinateurs, expliquent ces chercheurs. Pour cela, « imaginez quelqu’un jouant 200 parties de poker par heure pendant douze heures sans manquer un jour pendant 70 ans et sans faire une seule erreur face au plus redoutable adversaire », relèvent-ils.
« Ce sont les avancées en mathématiques dans les algorithmes — suite finie d’opérations ou d’instructions permettant de résoudre un problème — qui ont permis cette percée dans la théorie des jeux », a dit Michael Bowling. Cette théorie a toujours eu des applications très sérieuses, notamment dans les systèmes de sécurité déployés dans les points de contrôle des aéroports. Ce genre de programmes, qui prennent en compte les situations imparfaites, sont nécessaires pour mettre au point de nouvelles avancées dans la sécurité.
Parmi les précédentes percées en intelligence artificielle dans le domaine des jeux figure le programme ordinateur Chinook, imbattable au jeu de dames, qui a remporté le championnat du monde. Le super-ordinateur Deep Blue, spécialisé dans les échecs et développé par IBM dans les années 1990, avait par ailleurs battu le champion du monde de l’époque Garry Kasparov lors d’un match revanche en 1997.
Le poker est le jeu de cartes le plus populaire au monde avec plus de 150 millions de joueurs selon des estimations citées par les auteurs de ces travaux.
AFP