Accueil | Culture | [Magazine] Corée du Nord : la propagande du ballon rond

[Magazine] Corée du Nord : la propagande du ballon rond


Les Nord-Coréennes sont 9es au classement FIFA et parmi les favorites pour la prochaine Coupe d'Asie, en 2026 en Australie. (Photo : afp)

Recluse, appauvrie et sous de strictes sanctions internationales, la Corée du Nord mise sur le sport pour consolider son régime, trouvant dans ses jeunes footballeuses à succès un nouvel outil de propagande.

Le constat est sans appel : «Elles nous ont dominées pendant l’intégralité du match», avait résumé l’entraîneur des Pays-Bas, Olivier Amelink, à l’issue de la finale de la dernière Coupe du monde U-17 féminine au Maroc, au mois de novembre. Un 3-0 net avait permis aux Nord-Coréennes de brillamment conserver leur couronne après 2024, et d’empocher un quatrième trophée dans la catégorie. Fortes d’un total de 25 buts marqués pour seulement trois encaissés en sept rencontres, toutes gagnées, «le fossé (…) est tout simplement trop grand pour rivaliser avec elles en ce moment», avait reconnu le technicien néerlandais sur le site Fifa.com.

«Nos joueuses ont joué la finale à merveille», a savouré après le match la milieu Ri Ui Gyong, qui a inscrit le troisième but. «Les 25 buts étaient tous incroyables, et on les a marqués parce que nos joueuses croyaient les unes en les autres et ont tout donné», s’est-elle félicité. Sa coéquipière Yu Jong Hyang a été élue meilleure joueuse du tournoi, avec un record de huit réalisations sur la compétition.

En Corée du Nord, dont les U-20 féminines sont également championnes du monde en titre, la machine médiatique s’était mise en marche pour saluer ce triomphe, qui a apporté de la «joie à la mère patrie bien-aimée». En une, le journal officiel Rodong Sinmun reprenait un article de l’agence de presse d’État KCNA : «Nos joueuses ont couru sur le terrain en brandissant fièrement le drapeau majestueux de notre république.»

Pays reclus parmi les plus secrets du monde, à la fois puissance nucléaire et économie appauvrie, la Corée du Nord est connue pour ses essais militaires en violation des sanctions internationales, plutôt que pour son sport. Mais Pyongyang voit aussi la performance de ses athlètes comme un moyen de vanter son système politique.

Le succès récent de ses jeunes footballeuses est ainsi présenté par KCNA comme «une grande source d’encouragement et d’inspiration pour tout le peuple (…) afin d’accueillir le 9e Congrès du Parti comme un évènement victorieux et glorieux», en référence à la grand-messe de la plus haute instance dirigeante, qui a lieu comme tous les cinq ans sous la présidence du leader Kim Jong-un. Le 8e Congrès du Parti a eu lieu en janvier 2021, et le prochain, encore «en cours de préparation» selon KCNA, devrait se tenir au début de l’année prochaine.

Nos joueuses ont couru sur le terrain en brandissant fièrement le drapeau majestueux de notre république

Comme en 2024, les U-17 championnes du monde ont été accueillies en héroïnes nationales à leur sortie de l’avion, et une parade officielle a eu lieu en leur honneur. «Il y a une perception forte d’un pays culturellement arriéré et isolé», rappelle Hong Min, analyste à l’Institut coréen pour l’Unification nationale de Séoul. L’objectif des responsables de Pyongyang est d’utiliser cette réussite sportive «pour projeter une image selon laquelle leurs fondations culturelles et sociales sont solides et dynamiques».

Le spécialiste affirme que les enfants à gros potentiel athlétique sont repérés et entraînés tôt, et que le pays «investit massivement au niveau national dans le but de les faire participer à des compétitions internationales». «Les joueurs ont l’impression qu’ils doivent en retour rembourser cet investissement avec leurs performances», poursuit l’expert, décrivant une approche «courante dans les pays socialistes» où l’État occupe un rôle central dans le développement de ses sportifs d’élite.

La force du football féminin nord-coréen s’observe jusqu’à la sélection principale, 9e au classement FIFA et parmi les favorites pour la prochaine Coupe d’Asie, en 2026 en Australie. Seules les Japonaises, huitièmes mondiales, sont mieux placées dans la région.

Selon Lee Jung-woo, maître de conférences en sports et politique des loisirs à l’université d’Édimbourg, la Corée du Nord aborde le sport jeunesse d’une manière plus stricte que les pays occidentaux. «Dans le foot junior, je pense que les organisations de sport européennes mettent plus en avant l’amusement», a-t-il expliqué au média allemand GW. Mais en Corée du Nord, les jeunes «suivent des programmes d’entraînement très disciplinés, très systématiques et très professionnalisés, afin qu’ils puissent exceller tôt».

La méthode ne semble toutefois pas répliquer ses résultats chez les hommes. La sélection A masculine végète, elle, au 120e rang FIFA, et n’a plus participé à une Coupe du monde depuis 2010.

Newsletter du Quotidien

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez tous les jours notre sélection de l'actualité.

En cliquant sur "Je m'inscris" vous acceptez de recevoir les newsletters du Quotidien ainsi que les conditions d'utilisation et la politique de protection des données personnelles conformément au RGPD.