Accueil | Culture | Madrid fait la fête à ce qu’il y a de pire au cinéma

Madrid fait la fête à ce qu’il y a de pire au cinéma


Des affiches dans le cadre du Festival Au Festival "Cutrecon" de Madrid, le 25 janvier 2017. (Photo : AFP)

Piètres acteurs, scenarii déplorables et réalisateurs médiocres. Et si le mauvais cinéma devenait un objet de culte ? Au Festival «CutreCon» de Madrid les navets et nanars sont à la fête.

La Colonie des nudistes morts (Nudist colony of the dead, 1991), annonçait la couleur: des zombies farineuses aux yeux écarquillés et seins nus s’y arrachent à la terre et marchent au rythme d’une musique des années 1980. Pendant cinq jours jusqu’à dimanche, les toiles les plus invraisemblables se sont succédé dans les cinémas madrilènes, à la grande joie des adeptes du «CutreCon», quelque 3 500 spectateurs cette année.

CutreCon est un festival atypique consacré aux films si mauvais qu’ils font l’objet d’un véritable culte. La chaîne de télévision Arte a cédé un espace ce mois-ci à ce «cinéma nanar tellement nanar que cela en devient de l’art». Leurs fans sont des nostalgiques des cassettes VHS, des frustrés d’un cinéma devenu trop politiquement correct, et d’une manière générale des spectateurs ayant envie de détente et d’éclats de rire.

L’ode Quentin Tarantino et Robert Rodriguez au cinéma trash, «Grindhouse» (2007), n’y est pas rien. «La première fois que je suis tombé sur un film trash… je devais avoir dix ou onze ans, c’était une toile de Larry Cohen, le «Truc», sur un yaourt assassin», raconte le directeur du festival, Carlos Palencia, journaliste culturel. La passion de Carlos Palencia pour ce genre l’a amené à créer le festival il y a six ans, et il a eu un tel succès que le marathon d’une nuit est devenu un festival sur cinq jours dans différents cinémas.

Keyvan Sarkhosh, chercheur au département d’Esthétique empirique de l’Institut Max Planck, résume les deux grands thèmes des festivals trash: les films vraiment mauvais malgré toute la bonne volonté de leurs réalisateurs et ceux volontairement conçus comme atroces. Edward Wood, réalisateur alcoolique mort dans l’anonymat en 1978 serait dans la première catégorie avec son «Plan 9 pour l’espace extérieur», un film sur des aliens considéré par les fans comme un des pires de l’histoire du cinéma. Son personnage a même été porté au cinéma par Tim Burton et incarné par Johnny Depp dans «Ed Wood». Et puis il y a les films volontairement incohérents et mal faits, dit Sarkosh.

C’est le cas de la série «Sharknado», des films sur requins arrachés à la mer par des tornades et qui retombent sur des villes. Sarkhosh a constaté que ceux qui regardent ces films ont souvent un haut niveau d’études et sont des «omnivores culturels» aussi adeptes des salles d’art et d’essai. «Pour apprécier le mauvais cinéma, il faut aimer les bons films. Il faut avoir du goût pour apprécier le mauvais goût et s’en amuser», convient Carlos Palencia.

Gobelins végétariens

Angel-Luis Andres, un directeur des ventes de 40 ans, est venu au festival aussi par nostalgie pour voir «Troll2», un des films les plus mal classés sur le site de critiques Rottentomatoes, avec 6% d’opinions favorables. «Mon père ramenait un paquet de vidéos le week-end, raconte-t-il. Dans les genres que nous aimions mon frère et moi, les monstres, les dinosaures». «Troll 2» est l’histoire d’une famille en vacances dans un village isolé qui se révèle peuplé de gobelins maléfiques. Ils sont végétariens mais ne crachent pas sur la viande humaine, à condition de la transformer au préalable en pâte végétale.

A plusieurs reprises les éclats de rire des spectateurs couvrent la bande sonore. Quand la famille tente d’entrer en contact avec un grand-père mort, à la lueur des chandelles, la salle hilare entonne spontanément «Joyeux anniversaire». Le film n’a été distribué qu’en cassettes en 1990, mais il devenu si populaire que son directeur italien, Claudio Fragasso, qui assistait à la projection, prépare une suite. James Franco, une des stars d’Hollywood, a consacré une comédie «The Masterpiece» (Le chef d’oeuvre), au film de l’acteur et réalisateur Tommy Wiseau, «The Room», qui avait fait un four en 2003 pour devenir ensuite un film culte.

Pour Seth Rogen, un des acteurs de ‘The Masterpiece», le film de Wiseau «a quelque chose d’exceptionnel». «Il faut lui reconnaître ce mérite: de tous les films de m…, il en a fait un que l’on regarde encore», a-t-il déclaré dans une interview.

Le Quotidien/AFP