Installée au 1535°C, le hub créatif de Differdange, la créatrice et sculptrice de mode luxembourgeoise nous a ouvert les portes de son «laboratoire».
Lorsqu’on entre dans le bureau 118 du 1535°C, le hub créatif de Differdange, Feyrouz Ashoura travaille avec une amie. Musique branchée en fond sonore, elle nous accueille dans cet espace qui lui sert d’atelier. On y voit des vestes, des créations déjà terminées suspendues à des cintres, accrochés aux penderies. Puis, sous nos yeux, on trouve un mannequin sans tête, portant sur son buste des bouts de cuir noirs, disposés sur des repaires de couleurs et retenus par de fines aiguilles. L’ébauche d’une robe qui portera la patte originale de la créatrice.
Lorsqu’elle était lycéenne, la jeune Luxembourgeoise ne pensait pas se lancer dans une carrière artistique. Elle se voyait plutôt… ostéopathe. «En seconde, dit-elle, j’ai réalisé que c’était trop théorique.» «J’aimais beaucoup dessiner. J’ai une personnalité très créative. Je ne me rendais pas compte que je pouvais faire carrière» dans la mode, affirme-t-elle, «car il n’y a pas d’emblèmes au Luxembourg». Une visite à une foire de l’Étudiant la fera changer d’avis. Elle y découvre l’école de création et de design parisienne Créapole. «J’ai vu un mannequin, c’était bizarre et intriguant», se souvient-elle. Finalement, elle tombe sous le charme de ce métier qui lui paraissait «impossible» à exercer.
Le vêtement, une extension de soi
En 2008, elle rentre à l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) où elle restera trois ans, le temps d’une licence, «spécialité nouvelle couture», précise-t-elle. Lors de sa scolarité, elle se rend à Tokyo. Là-bas, elle se réalise «qu’on peut être créatif sans limite. On peut sortir des volumes», appuie-t-elle. Sa fameuse veste «squelette», faite de cuir et de tissu, a clôturé le défilé de sa promotion. De septembre 2011 à janvier 2012, la créatrice effectue son premier stage à Arnhem aux Pays-Bas, chez la créatrice de mode néerlandaise Iris Van Herpen, connue pour ses créations en 3D et l’utilisation de matières novatrices. «J’avais mes mains sur quelques robes», certifie-t-elle. Elle a même «presque fait» toute une robe en cuir. «Iris a tracé (NDLR : des lignes sur le mannequin) et j’ai continué, indique-t-elle. Je travaillais souvent avec elle, c’était très inspirant.» D’ailleurs, à ses côtés, la Luxembourgeoise a remarqué «qu’on pouvait faire un vêtement pas forcément portable» et «que ça va au-delà du simple habit». Ce dernier devient en somme «une affirmation». «C’est un moyen de créer une extension de soi.»
Après ses études, Feyrouz Ashoura ne se voyait pas rester à Paris. Un ami lui parle de Dubai, la ville où rien n’est impossible. Elle y restera deux ans. «Ça m’a construit en tant que personne», fait-elle remarquer. Là-bas, elle travaillera dans deux «concept stores» et agrandira son réseau de connaissances.
Mais créer lui manquait. À l’été 2014, elle décide de rentrer au Grand-Duché. Elle prend possession de son «laboratoire d’expérimentation» dans lequel elle fait aussi des moulages, en décembre de la même année. Elle puise son inspiration dans la nature et l’anatomie. «J’adore le squelette!», dit-elle en souriant. Admiratrice de Thierry Mugler, d’Hubert de Givenchy et de Coco Chanel, elle prépare actuellement sa première collection avec son label appelée «le cabinet de curiosité». «C’est mon interprétation de ce qui nous enlève notre humanité.» C’est-à-dire, par exemple, la toxicité, l’avarice ou encore le contrôle. Les pièces de sa collection seront présentées le 30 septembre lors de la «Luxembourg Fashion Week» à Arlon.
Aude Forestier
BraveYouth, la tribu des talents luxembourgeois
BraveYouth est un projet créé par Kasia Kolo, la cofondatrice de la start-up GenCreo et Feyrouz Ashoura. Les deux femmes se sont rencontrées lors d’un événement lié à l’entrepreneuriat. En fait, selon le site internet de BraveYouth, leur rencontre s’est produite lors d’un événement où Kasia était l’oratrice, Feyrouz, elle, se trouvait dans le public. Quelques semaines plus tard, la créatrice participait à un panel de discussion organisé par Kasia. Selon Feyrouz Ashoura, BraveYouth est une plateforme qui permet de faire connaître «les jeunes talents du Luxembourg» et de faire en sorte qu’ils se connaissent entre eux puis qu’ils créent de fortes relations. Car, selon la créatrice, «on avait remarqué qu’il y avait plein de talents» et qu’ils étaient dispersés. C’est aussi une manière de «dire stop à ses jeunes qui veulent abandonner leur rêves», dit Feyrouz Ashoura avec enthousiasme. Des événements ont déjà été organisés, comme par exemple un «speed networking». www.braveyouth.com