Inaugurée jeudi soir avec The Outrun en film d’ouverture, la 14e édition du Luxembourg City Film Festival se place sous le signe de la mémoire. Lumière, action.
On a entendu, durant la cérémonie d’ouverture de la quatorzième édition du Luxembourg City Film Festival, des «échos positifs à l’international», un festival «novateur et multidisciplinaire», une «image de marque du pays».
Ce sont les propos qu’a tenus Georges Santer, le président du festival, à entendre comme des mots en forme d’applaudissements. Au magazine américain MovieMaker d’approuver la réussite du LuxFilmFest en le classant en 2022 parmi «les 25 festivals les plus cools au monde».
La classe… internationale! Qu’il s’agisse de Gaspar Noé ou de Viggo Mortensen, cette nouvelle édition accueille encore des invités – sans jeu de mots – de luxe.
Cette année, le festival rappelle aussi l’importance du Luxembourg sur la carte du cinéma mondial, à l’instar du film iranien Terrestrial Verses (Ali Asgari et Alireza Khatami), une coproduction marquée du sceau de Cynefilms, la société de Cyrus Neshvad, nommé à l’Oscar 2023 du court métrage pour La Valise rouge, tourné au Findel.
Marqué quant à lui par la patte des Films Fauves, citons Jeunesse (Le Printemps) de Wang Bing, autre invité prestigieux, bien ému jeudi soir au pupitre, et dont l’hommage va de sa filmographie à son exposition au Cercle Cité.
La sélection 2024 revient aussi sur les liens étroits entre le septième art et l’actualité, comme le prouvent Hollywoodgate (Ibrahim Nash’at), film où des talibans s’emparent d’une des bases de la CIA, ou encore 20 Days In Mariupol (Mstyslav Chernov) sur l’invasion de l’Ukraine.
La parole maintenant à Éric Thill, le nouveau ministre de la Culture : «Nous allons voir des films, mais pas seulement. Nous allons ressentir des émotions. Nous poser des questions. Et avoir des réponses, peut-être.» Si l’on se tait devant un film, il fera ensuite parler; il y a la projection, solitaire, et le souvenir, collectif.
La mémoire à l’écran
De souvenirs, il en est question – beaucoup – dans cette édition. Ce n’est sans doute pas pour rien que Georges Santer a cité Richard – fils de Laurence – Olivier : «Un pays sans cinéma est un pays sans miroir; c’est un pays sans mémoire; c’est un pays sans pays.»
Parmi les films présentés, il y a la mémoire collective de l’Holocauste dans Letters from Drancy, de Darren Emerson, là où Oceans Are the Real Continents, de Tommaso Santambrogio, nous propulse dans un Cuba en noir et blanc. Et Wang Bing, dans tout cela? Le cinéaste capture le réel afin de le graver sur la pellicule comme pour se souvenir, jusqu’à ce que le temps n’existe plus; précisons que Jeunesse (Le Printemps) dure 3 h 32. Quant à son exposition, qui propose quatre de ses films dans leur intégralité, elle s’intitule sobrement Memories.
Dans The Outrun, de Nora Fingscheidt, la mémoire est aussi sollicitée, via les réminiscences d’une femme en désintoxication. Le film adapte les mémoires d’Amy Liptrot. The Eternal Memory, le documentaire de la Chilienne Maite Alberdi ?
Souffrant d’Alzheimer, Augusto, porteur de la mémoire du pays, tente de ne pas oublier. Pour ce qui est de Gaspar Noé, enfin, sa filmographie fait écho aux souvenirs, des longs flash-back d’Enter the Void ou de Love jusqu’à Irréversible, où il s’agit de remonter le temps (qui, selon Noé, détruit tout) par un montage antéchronologique, en passant par Vortex, dans lequel Françoise Lebrun perd la mémoire.
«Lux» signifie «lumière». Cocteau disait que le cinéma était «l’écriture moderne dont l’encre est la lumière». On peut ajouter, en paraphrasant Lux Æterna du même Noé, que le cinéma est une lumière éternelle. Cette édition du LuxFilmFest nous le rappelle.
Rosario Ligammari