Les mesures sanitaires et la volonté de démocratiser la réalité virtuelle ont amené le Film Fund et le festival à introduire un nouveau concept : «VR to go», pour vivre l’expérience du pavillon de Neumünster à la maison.
L’inauguration du Luxembourg City Film Festival, hier soir, avait une haute portée symbolique : il y a un an, le festival était le premier événement culturel du pays arrêté pour cause de pandémie. Si les salles de cinéma sont rouvertes depuis près de deux mois et que le bon déroulement de cette édition ne devrait pas connaître de bouleversements, la situation sanitaire n’en reste pas moins incertaine. Les ajustements techniques et le choix d’une forme hybride, à la fois en salle et en ligne, ont été adoptés eux aussi par le Pavillon réalité virtuelle (VR), qui ne pouvait pas, en définitive, faire l’impasse sur 2021.
On connaît la place du Luxembourg dans le monde encore naissant de la VR. Un pari du futur pour le Film Fund et l’industrie du cinéma luxembourgeois, et dont le pavillon, qui prend une nouvelle fois ses quartiers à Neumünster, occupe toujours la fonction de vitrine nationale et internationale. Malgré sa fermeture prématurée l’année dernière, le Pavillon VR a rencontré un «très grand succès, plus grand que ce que l’on attendait», rappelle Ainhoa Achutegui, directrice de l’abbaye. La quantité et la qualité des œuvres visibles, autant que la scénographie du lieu, ont encore fait du pavillon un point incontournable du festival. «Au regard de la situation actuelle, indique Guy Daleiden, nous avons dû nous limiter à des films qui ne nécessitent pas d’interaction de la part du spectateur.» On ne comptera donc pas, cette année, sur les manettes qui permettent de se déplacer dans l’espace ou d’interagir avec l’environnement.
Trois heures de films
La solution pour permettre au plus grand nombre d’expérimenter la VR est trouvée, et elle vient de Montréal, ajoute le directeur du Film Fund. Si «six casques» de réalité virtuelle sont prévus à Neumünster, douze autres sont réservés pour le concept «VR to go», développé l’année dernière au Canada en réaction à la fermeture des cinémas. L’initiative a traversé l’Atlantique pour aller jusqu’à Luxembourg en passant par Paris, les deux premières villes au monde, après Montréal, à tester la location de casques VR pour regarder des programmes à la maison.
Avançant d’aventures immersives en documentaires engagés, les deux programmes proposés offrent, en environ 90 minutes chacun, un panorama de la production actuelle dans un domaine qui innove et réinvente le langage cinématographique. On pourra revivre les meilleurs moments de l’année dernière (la fresque punk Battlescar, le conte «Tim Burtonesque» Gloomy Eyes ou le voyage spirituel et psychotrope de Jan Kounen, Ayahuasca); pour découvrir de nouvelles œuvres, le premier programme, lui, est plutôt axé sur les sujets de société et les immersions contemplatives, avec une escalade du plus haut sommet du monde (Everest), une expérience sensorielle réalisée à partir du journal intime de l’écrivain John Hull, qui a complètement perdu la vue (Notes on Blindness : Into Darkness), un plongeon choc au cœur d’une opération de police au milieu d’une favela (Under the Skin) ou encore la réflexion conceptuelle PFH – Putain de facteur humain, signée Karolina Markiewicz et Pascal Piron.
Un objectif crucial
En jouant sur l’immersion du spectateur plutôt que l’interaction, les films choisis ouvrent le monde virtuel à 360 degrés. Un dépaysement total que l’on peut donc emporter chez soi et qui ne nécessite «aucune manipulation», rappelle Guy Daleiden, soucieux de rassurer les spectateurs les moins à l’aise avec la technologie. «Il n’y a rien à faire d’autre que pousser un bouton, et on peut regarder les films.»
Outre l’inquiétude qui existe vis-à-vis de la circulation du public, le concept de «VR to go» a un autre objectif, crucial : «développer la VR et sensibiliser le public» à ce nouveau moyen de création qui gagne du terrain. «Depuis quatre ans, le Film Fund a soutenu la création d’œuvres en réalité virtuelle et en réalité augmentée, avec le succès qu’on leur connaît.» Les rendre disponibles à chacun, dans leur salon, après s’être inscrit en ligne – le spectateur devra quand même se déplacer pour aller chercher le casque, bien entendu – découle d’un souhait de rendre la VR plus accessible. Le prix de la location, lui, est «démocratique», sourit Guy Daleiden : vingt euros, avec une caution de 200 euros. Un montant raisonnable pour une initiative qui rend «très fier» le directeur artistique du LuxFilmFest et «modeste représentant du cinéma plat» Alexis Juncosa. Et en attendant de découvrir les «deux nouvelles œuvres en cours de développement au Luxembourg» dans l’édition 2022 du festival, Guy Daleiden indique que l’expérience «VR to go» pourrait bien se prolonger au-delà de la clôture du festival, le 14 mars, «avec, éventuellement, l’ajout de nouveaux programmes». À guetter…
Valentin Maniglia