Le Grand Prix du dernier festival de Gérardmer débarque ce week-end à Luxembourg : Hatching, de la Finlandaise Hanna Bergholm, est une fable fantastique, à la fois drôle, grave, insolente et résolument féministe. Une pépite.
«Notre super vie» : c’est le titre des vidéos que la mère de Tinja poste sur Instagram, et qui apportent beaucoup d’argent à la famille. C’est avec l’une de ces vidéos que l’on découvre la mère (Sophia Heikkilä), le père (Jani Volanen), Tinja (Siiri Solalinna), son petit frère, Matias (Oiva Ollila), et leur quotidien parfait dans cette grande maison avec jardin, dans un quartier résidentiel en banlieue d’une grande ville de Finlande. Après l’entrée inopinée d’un oiseau à l’intérieur de la maison, Tinja va trouver un œuf, qu’elle décide de garder et de couver, mais surtout, qu’elle détient comme un secret. Jusqu’à ce que celui-ci éclose, faisant naître une étrange créature…
Hatching, le premier long métrage de la cinéaste finlandaise Hanna Bergholm, est encore en début de carrière dans les festivals, mais il a fait l’effet d’une tornade partout où il est passé, depuis sa première mondiale dans la sélection «Midnight» du festival de Sundance, fin janvier, ou la semaine suivante au Festival international du film fantastique de Gérardmer, d’où il est reparti avec le Grand Prix. À raison : avec deux armes imparables, le fantastique et un humour ravageur, Hanna Bergholm détaille une certaine idée du film de monstres, enrichi de plusieurs niveaux de lecture et indubitablement féministe. Nul doute qu’il va secouer le public de la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg, samedi soir, lors de sa projection unique au LuxFilmFest.
La créature, star du film
À Gérardmer, quelques heures à peine avant de recevoir – avec une surprise non feinte – la récompense ultime, Hanna Bergholm nous racontait la naissance de ce projet, qui remonte à… 2014. «À l’époque, le scénariste Ilja Rautsi m’avait résumé l’idée du film en une phrase : un garçon couve un œuf duquel va éclore son « doppelgänger » (…) Nous avons développé l’histoire ensemble avec cette seule phrase, à partir de laquelle ont découlé toutes les thématiques du film.» Avec un changement préalable, requis par la réalisatrice : le protagoniste ne doit pas être un garçon mais une fille.
Tinja a douze ans, pratique la gymnastique à un excellent niveau, sous la pression de sa mère, une manipulatrice bien loin de l’image parfaite qu’elle montre sur les réseaux sociaux. Une idée que Hanna Bergholm défendait depuis le début, et qui s’est précisée avec le temps. «Je tenais vraiment à ce que les parents sauvent les apparences, indique la réalisatrice. À partir de là, j’ai amené les réseaux sociaux dans l’histoire, derrière lesquels on découvre le vrai visage de la mère.»
Mais la véritable star du film, c’est sa créature, qui évolue et grandit tout au long du film, apportant autant de scènes terribles que de moments hilarants. Hatching («couvaison», en français) se fend même de quelques clins d’œil à E.T. (Steven Spielberg, 1982), dont il serait une sorte de négatif. Hanna Bergholm : «Nous ne réfléchissions pas selon des références, mais nous avons évoqué E.T., conscients que l’on était en train d’en faire une version bizarre pour un public adulte.»
Intelligent et insolent
La particularité de Hatching est d’être un film de femmes abordant des thèmes liés à l’adolescence – relation mère-fille, premières règles, émancipation de la cellule familiale… – mais écrit par un homme. Si Hanna Bergholm précise qu’elle a «étroitement collaboré» à l’écriture du scénario, elle ne manque pas de mentionner la confiance totale qu’elle a en son scénariste, qui partage avec elle «une imagination très similaire», à tel point qu’il lui est impossible aujourd’hui de «(se) souvenir de qui a eu quelle idée, en particulier pour les scènes avec la créature».
Quant à la représentation des hommes, ils sont de véritables caricatures, sources de séquences absolument hilarantes : le père est un imbécile heureux totalement amorphe, l’amant, un loup solitaire qui joue de son physique avantageux. «C’est venu de manière très naturelle !», s’exclame en riant Hanna Bergholm. «Mais c’est un aspect qu’Ilja et moi partagions depuis le début : ce que sont les hommes dans le film, c’est une conséquence du caractère dominant de la mère.»
Cette dernière est l’élément ultime qui attise pour une bonne part toute l’ironie et l’insolence du scénario. «Le drame et l’horreur sont deux genres séparés par une frontière assez poreuse, je crois, et Hatching est né de mon envie de raconter une histoire dramatique avec les possibilités offertes par le cinéma de genre», conclut la cinéaste. Son premier film, à découvrir au LuxFilmFest avant sa sortie en salles prochaine, est d’ores et déjà l’une des pépites de l’année.
Samedi, à 21 h. Cinémathèque – Luxembourg.