Le bien nommé prix LEAP (Luxembourg Encouragement for Artists Prize) est venu récompenser la jeune photographe Laurianne Bixhain. Une exposition aux Rotondes dévoile son travail, tout comme celui des trois autres finalistes: Yann Annicchiarico, Filip Markiewicz et Marianne Mispelaëre.
Elle a beau cultiver la discrétion, évoquer une «belle surprise» et, au passage, une forte part de «hasard», l’artiste Laurianne Bixhain va devoir s’habituer à la lumière, elle qui préfère se cacher derrière un objectif plutôt que lui faire face… Jeudi soir, en effet, au terme d’une cérémonie voulue solennelle aux Rotondes, la photographe, qui se dit toutefois «ouverte à toutes les disciplines», née à Wiltz il y a de ça 30 ans, s’est vu remettre le second prix LEAP, deux ans après une première mouture ayant auréolé une autre créatrice, Sophie Jung.
Et, pour son plus grand trouble, les hommages risquent de se multiplier, elle qui a séduit, un peu plus tôt, un autre jury, celui du Lët’z Arles, lui ouvrant par là même les portes des très prestigieuses Rencontres d’Arles (2 juillet-23 septembre) où elle présentera son œuvre. «À grand potentiel!», précise, dans un souffle, Alex Reding, qui chapeaute, à l’écart, la récompense autour d’un jury concocté par ses soins – composé d’autant de figures «qui peuvent créer des liens», à long terme, avec le Grand-Duché –, et dans son autre statut de commissaire, l’exposition finale.
«Un tremplin pour bondir ou rebondir»
Devant lui, un double partenariat : d’un côté, les Rotondes, déjà engagées auprès de la jeune création dans la Grande Région à travers la Triennale jeune création. De l’autre, le cabinet d’avocats Allen & Overy, mécène attitré qui, par le passé, s’est montré généreux avec la scène jazz nationale ou avec le Mudam.
Ainsi, le LEAP, s’il met en lumière toute la créativité de l’art contemporain – le dossier des intéressés doit témoigner strictement de leur travail de ces trois dernières années – il s’attache essentiellement comme sa dénomination l’indique d’ailleurs (Luxembourg Encouragement for Artists Prize) à aider les artistes dans leurs carrières en développement. «C’est un tremplin pour bondir ou rebondir», c’est selon, confient les organisateurs.
En visant large – il n’y a, en effet pas de limite d’âge, tandis que le lien avec le Luxembourg est assez ample (les artistes peuvent y être nés, y habiter ou y travailler) –, la récompense, de 12 500 euros tout de même, ouvre certes ses sélections à un grand nombre d’artistes. Seulement, malgré une soixantaine de candidatures recensées, le choix du jury s’est finalement porté sur des artistes plutôt confirmés.
Critiques et questionnements
Une évidence quand on évoque le nom des trois autres finalistes : Filip Markiewicz a représenté le Grand-Duché à la 56e Biennale de Venise; Marianne Mispelaëre, elle, est toujours exposée au Palais de Tokyo à Paris en tant que dernière lauréate du Grand Prix du Salon de Montrouge; et Yann Annicchiarico a reçu le prix révélation du CAL en 2015. Et les deux premiers ont, en outre, deux films en cours de production (respectivement en Irlande et aux États-Unis). Le troisième, enfin, lorgne Athènes, selon lui «le nouveau Berlin».
On se passera donc de l’effet de surprise et appréciera une exposition chaotique, où les élans artistiques du quatuor sont rassemblés pêle-mêle. Ici, les installations répondent aux vidéos et aux photographies, les critiques du monde néolibéral se mélangent aux questionnements sur l’identité, la mémoire, le silence, et, de manière plus générale, sur l’homme.
Une réunion étonnante permise grâce à l’entente des finalistes, en pleine bourre depuis dimanche dernier : «C’était très enrichissant de jouer le jeu à plusieurs, de s’épauler aussi», témoigne Laurianne Bixhain, trop émue pour porter seule les lauriers. Elle poursuit : «Certaines personnes donneront peut-être plus d’importance à notre travail, y porteront plus d’attention.» C’est bien là l’essentiel.
Rotondes – Luxembourg. Jusqu’au 15 avril.
Grégory Cimatti