Les Rotondes ont accueilli dimanche après-midi une foire aux disques. Les vinyles sont à nouveau à la mode, tout comme les platines et une manière plus durable de consommer la musique.
Un air de rock progressif du début des années 1970 plane dans l’air. Ça sent le carton et la poussière. Sur des rangées de tréteaux en bois sont posées des boîtes remplies de 33 tours, certains encore sous leur «blister» d’origine, garant d’une virginité qui augmente leur valeur aux yeux des collectionneurs et des spéculateurs. Le mélomane, lui, va déflorer le vinyle du diamant de son «pick up». Ce qui l’intéresse, c’est le son si particulier qui se cache entre les microsillons des disques. Un son autour duquel les avis s’affrontent depuis que les disques vinyle sont sortis du placard de la ringardisation où les bandes magnétiques et «disques laser» les avaient poussés à l’aube du XXe siècle.
Grâce aux nostalgiques et aux musiques électroniques, underground ou plus pointues, le disque vinyle sous tous ses formats n’a pas disparu. Aujourd’hui, il connaît un véritable retour de flamme. Selon la Recording Industry Association of America, l’année passée, les ventes de vinyles ont dépassé pour la première fois les ventes de CD depuis 1986. En France, une vente physique de musique sur cinq est un vinyle en 2018, indique le Syndicat national de l’édition phonographique. Soit quatre millions contre un en 2013. Les ventes décollent et les platines sont descendues des greniers où elles avaient été remisées.
«Certaines pochettes sont des œuvres d’art»
Ce renouveau n’est pas dû uniquement aux «papys du rock» nostalgiques de l’époque où ils avaient encore de longs cheveux. Leurs petits-enfants s’y sont mis aussi. Abreuvés de technologies et de musiques électroniques, ils découvrent le son de la musique jouée avec des «vrais» instruments. Cela s’est vérifié dimanche, à la foire aux disques organisée aux Rotondes à Luxembourg. Jeunes et moins jeunes passaient les bacs de disques en revue à la recherche de la perle rare avec plus ou moins de dextérité pour faire défiler les pochettes de la pointe de l’index. Aujourd’hui, on «swipe» de gauche à droite sur des écrans, dans les magasins de disques, on cherchait de haut en bas.
Les disques sont classés par genre et par interprète. «Parmi les plus demandés, on trouve les grands standards internationaux comme les Beatles, Pink Floyd, Led Zeppelin, Metallica ou Queen», indique un vendeur. Plus d’une cinquantaine de disquaires venus de Belgique, de France, d’Allemagne ou des Pays-Bas exposaient dans la galerie des Rotondes. Krautrock, noise, reggaeton, metal, gothic symphonic… il y en a pour tous les goûts.
«Je cherche l’album In the Court of the Crimson King de King Crimson. Je possède une première édition, mais je l’ai tellement écoutée qu’elle n’est plus audible», indique Émilie, jeune quadragénaire qui avait piqué le disque à sa mère «à cause de la pochette représentant le visage dessiné d’un homme écarlate qui semblait crier sa douleur».
Luc, un étudiant, a un budget de 50 euros pour trouver des disques. «Mes amis et moi avons acheté des platines et nous recherchons les grands albums des classiques du rock. Nous pourrions les trouver en format numérique, mais le grain et la chaleur de l’analogique nous permettent d’écouter les morceaux comme ils devaient l’être à l’époque», explique-t-il.
Patrick, lui, est un nostalgique de l’objet. «Certaines pochettes étaient de véritables œuvres d’art réalisées par des artistes, particulièrement celles des groupes de rock metal comme Iron Maiden, par exemple, ou Tool.» D’autres profitent d’avoir accès aujourd’hui aux disques qu’«on ne trouvait pas ici dans nos campagnes quand on était jeunes dans les années 1970. Il fallait aller à Bruxelles ou à Paris et on n’avait pas tous cette chance.»
Dans les bacs, on fouille, on sort une pochette, on l’admire, on la reglisse entre deux autres dans le bac, on négocie ou on cherche des éditions très rares, donc très recherchées d’un album, on écoute aussi. La rareté, un défaut sur la pochette ou une première édition peuvent faire bondir le prix d’un vinyle. De même qu’un «test pressing» édité en quelques exemplaires seulement pour vérifier la qualité du son et la gravure du vinyle, un bootleg (un enregistrement non officiel), un pressage atypique ou un exemplaire de promotion.
Malgré la tempête qui se levait en début d’après-midi, ils étaient nombreux à répondre à l’appel du vinyle et à la nostalgie d’une époque peut-être plus aussi révolue qu’elle le paraissait.
Sophie Kieffer
La bonne vieille cassette revient en force
Il fallait un crayon pour la «rembobiner» quand les touches «rewind» ou «forward» des radiocassettes bloquaient ou que la bobine s’était déroulée : la bonne vieille cassette audio fait, elle aussi, son grand retour près d’un siècle après son invention dans les années 1930.
Ringardisées par les CD, elles avaient pourtant fait les beaux jours des années 80 et avaient permis pour la première fois d’écouter la musique de manière mobile grâce aux radiocassettes, walkmans – qui ont fêté leurs 40 ans en 2019 – ou ghetto-blasters popularisés par la culture hip-hop. Des appareils vintage qui sont à nouveau recherchés et dont les entreprises de l’audio comme Sony et Thomson produisent et commercialisent à nouveau des répliques. Le marché de la cassette d’époque augmente, mais des cassettes sont toujours sur le marché grâce à l’entreprise française Mulann qui n’a jamais arrêté de produire des bandes magnétiques. Comme les disques vinyle, les collectionneurs s’arrachent les cassettes audio.