Nouvelle initiative du Centre de création chorégraphique luxembourgeois (3C-L), Dance from Home ! dit adieu au confinement en demandant à une dizaine d’artistes luxembourgeois de s’y replonger une dernière fois, le temps d’un concours de «vidéo-danse» en ligne dès le 4 juillet, sur la nouvelle plateforme culturelle KUK.
Quand le 3C-L a réagi au confinement en mettant rapidement en place ce projet, on s’est posé la question de savoir si on y participait, en sachant que le format vidéo n’est pas du tout notre format. On fait du spectacle vivant pour l’aspect vivant, c’est-à-dire la rencontre entre artistes et public. Puis on s’est dit que le confinement était aussi une façon de se réinventer, de se dire, pourquoi pas.» C’est peut-être aussi parce qu’elle connaît bien le 3C-L que la chorégraphe de la compagnie Corps In Situ, Jennifer Gohier, aux côtés de son partenaire de danse depuis 25 ans et compagnon, Grégory Beaumont, a accepté de relever le nouveau défi du Centre de création chorégraphique luxembourgeois. Intitulée Dance from Home !, cette initiative, mise en place avec le soutien de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse-Charlotte et de l’ASBL Unit Control, se présentera sous la forme d’un concours de danse vidéo qui verra participer des artistes et chorégraphes du pays.
Ceux-ci ont été invités à produire une création vidéo inédite, d’une durée allant jusqu’à dix minutes et en respectant les conditions du confinement tel qu’il a été vécu jusqu’au 11 mai. Une contrainte qui a mené, pour tous les artistes du pays, à des représentations annulées, mais qui ne devait pas stopper la création. Dance from Home! se présente donc comme le projet qui conclut les initiatives menées par les artistes, seuls ou en collectifs, relayées par le 3C-L sous l’intitulé Dance at Home, parmi lesquelles se trouvaient des projets de danse (toujours en vidéo, bien sûr) ou des cours en ligne. Aifric Ní Chaoimh, qui participe au projet, a continué d’enseigner la danse «à des étudiants que j’ai à Arlon» sur Zoom, mais elle a surtout donné des cours avec le collectif Lucoda (pour Luxembourg Collective of Dance), pendant le confinement, sur Facebook, l’un des rendez-vous de Dance at Home : «Avec notre collectif, nous étions intéressés par cette opportunité pour continuer de faire ce qu’on fait, mais en ligne. Beaucoup de personnes dans le monde de la danse ont fait de même après le début du confinement.» «Notre but, développe-t-elle, était de réaliser les projets que nous avions prévus, auxquels s’ajoutaient d’autres projets plus petits, comme une performance au Cercle Cité. Bien sûr, cela n’a pas pu se faire, alors en tant que collectif, nous nous sommes dit : « Proposons quelque chose en ligne que l’on puisse offrir aux gens. » C’est comme ça que ça a commencé, et nous avons donné des cours tous les jours pendant sept semaines.»
Repenser le corps et l’espace
La chorégraphe irlandaise, qui vit et travaille à Luxembourg, est une habituée des projets vidéo, mais la période de crise sanitaire ne lui ayant pas permis de capturer le monde extérieur qu’elle met en scène, souvent à travers de grands espaces, elle fait part de ses «sentiments partagés» envers la création confinée : «C’était intéressant et cela nous a permis de nous connecter aux gens, mais je crois que les possibilités sont aujourd’hui saturées. J’ai fait une petite vidéo de danse moi-même pendant cette période. La vidéo offre beaucoup de possibilités qui m’intéressent, celles de changer d’angle, de rester près du danseur, de rembobiner les images… Mais d’un autre côté, je préfère être physiquement présente dans une salle ou un espace extérieur.» Sa participation à l’initiative Dance from Home! ne signera sans doute pas sa dernière incursion dans la vidéo, mais elle laissera la place à un retour aux concepts chorégraphiques et à la forme vidéo sur lesquels Aifric Ní Chaoimh est plus habituée à travailler.
Pour les chorégraphes de la compagnie Corps In Situ, repenser le corps et l’espace à la maison a été le sujet de «tout un cheminement» : «Ça a été très difficile de m’entraîner à la maison parce que c’est le lieu de la vie personnelle», explique Jennifer Gohier. Elle ajoute qu’«au départ, je pensais travailler seule sur ce projet, mais en avançant, demander de l’aide et un regard permet toujours d’enrichir. Avec Grégory, on a toujours fonctionné comme ça, même pendant le confinement».
Leur proposition pour Dance from Home! est le résultat de plusieurs tentatives et de mûres réflexions. «Chacun s’est laissé le temps de proposer telle ou telle chose, raconte la chorégraphe. On était vraiment en phase de réflexion sur notre prochaine création qui traitera des voyages immobiles, donc il y avait cette idée de continuer à voyager dans nos esprits. C’est aussi vers ça que notre proposition artistique s’est tournée. Mais avant d’arriver à ce concept et de contacter les deux danseurs avec lesquels on travaille, on a essayé un autre concept qu’on a tenté de faire à la maison avec notre petit garçon de deux ans. Ça s’est avéré très compliqué (elle rit), donc on a abandonné cela puis on a reçu les images des deux danseurs, qu’on a pris le temps de traiter, et le projet s’est nourri comme ça.»
Le projet vidéo de Jennifer Gohier et Grégory Beaumont, celui d’Aifric Ní Chaoimh et ceux des autres artistes (parmi lesquels Jill Crovisier, Elisabeth Schilling, Yuko Kominami, Baptiste Hilbert…) participant au concours Dance from Home! seront mis en ligne à partir du 4 juillet sur KUK, la nouvelle plateforme dédiée à la culture luxembourgeoise, lancée hier. En soutien aux artistes, qui continuent à faire face à de nouvelles annulations de dates, chacune des vidéos permettra à son auteur(e) de recevoir 500 euros.
«Renouer avec les publics»
Le concours sera suivi par un jury professionnel international composé, entre autres, des Luxembourgeois Jérôme Konen, directeur du Kinneksbond, et Ainhoa Achutegui, directrice de Neimënster. À l’occasion d’une cérémonie de remise des prix, qui aura lieu le 16 juillet à 19 h, toujours sur KUK – le 3C-L fait part, dans un communiqué, que cette soirée devait initialement se dérouler pour se «retrouver et renouer avec les publics», mais les conditions sanitaires ne permettent toujours pas la tenue d’un tel évènement – les cinq jurés remettront à l’artiste gagnant un prix et une dotation de 2 500 euros.
Le public, qui pourra suivre le concours sur la plateforme, est invité à participer lui aussi, car un prix du public sera également remis (d’une valeur de 2 000 euros, décerné par l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse-Charlotte). Du 4 au 14 juillet, le rendez-vous est donc donné à tous les amoureux de la danse et des initiatives culturelles uniques pour découvrir des projets inédits de quelques-uns des plus grands noms actuels de la danse au Grand-Duché… et voter pour son préféré.
Valentin Maniglia
Lien vers le concours ici.