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« L’Origine du monde » : la femme du tableau de Courbet enfin identifiée


Avec cette découverte, c'est une énigme vieille de 152 ans qui est résolue. (photo AFP)

L’un des plus grands mystères de la peinture est sans doute résolu : la femme de « L’Origine du monde », le célébrissime nu de Gustave Courbet du XIXe siècle, a été identifiée. Elle s’appelait Constance Quéniaux, une ancienne danseuse de l’Opéra de Paris, révèle un livre à paraître début octobre.

Le tableau, exposé au musée d’Orsay, est mondialement connu et somptueusement provocant. Plusieurs noms ont été avancés au cours de l’histoire pour tenter d’identifier la femme qui servit de modèle à Gustave Courbet pour cette peinture exécutée en 1866 à la demande du diplomate ottoman Khalil-Bey, une figure flamboyante du Tout-Paris des années 1860.

En 1866, Constance Quéniaux a 34 ans. Elle ne danse plus depuis 1859 et est une des maîtresses de Khalil-Bey dans ce Paris des courtisanes, lorettes, grisettes, cocottes … Ces femmes, dont de nombreuses danseuses, riches ou pauvres, contraintes ou volontaires, sont entretenues par des hommes.

Une lettre de Dumas à Sand

Comme beaucoup de découvertes, celle-ci, racontée par Claude Schopp dans L’Origine du monde, vie du modèle, à paraître le 4 octobre chez Phébus, est le fruit du hasard. C’est en travaillant sur la correspondance d’Alexandre Dumas fils et de George Sand que le grand spécialiste français de Dumas père et fils, Goncourt de la biographie en 2017, a résolu une énigme vieille de 152 ans.

Le but du chercheur n’était certainement pas de faire des recherches sur cette peinture censurée par Facebook, ayant appartenu un temps au psychanalyste Jacques Lacan. Étudiant des lettres échangées entre George Sand et Dumas fils, Claude Schopp est surpris par une coquille dans la transcription d’une missive de Dumas à Sand de juin 1871. L’écrivain, hostile à la Commune, déblatère sur Courbet : « on ne peint pas de son pinceau le plus délicat et le plus sonore l’interview de Mlle Queniault (sic) de l’Opéra ». « Interview ? ça ne voulait rien dire », explique le chercheur.

Il décide de confronter cette transcription au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Ce n’est pas « interview » qu’il fallait lire mais « intérieur ». « Ce fut comme une illumination », se souvient le chercheur, qui fait part de sa découverte à Sylvie Aubenas, directrice du département des estampes et de la photographie de la BnF. « Ce témoignage d’époque découvert par Claude me fait dire que nous avons la certitude à 99% que le modèle de Courbet était bien Constance Quéniaux », confie la directrice.

Secret connu de tous à l’époque

Avant la découverte de Claude Schopp, plusieurs noms avaient circulé quant à l’identité du modèle. On a ainsi évoqué Joanna Hiffernan, maîtresse de Courbet durant l’été 1866, dont la rousseur irlandaise et la carnation blanche correspondent peu à ce que dévoile le tableau, ou celui de Jeanne de Tourbey, maîtresse du diplomate ottoman, mais figure trop en vue pour tenir le rôle de modèle. La noirceur de la chevelure de Constance et ses « beaux sourcils noirs », loués par la critique lorsqu’elle dansait à l’Opéra, sont plus conformes à la luxuriante pilosité du modèle, explique Sylvie Aubenas.

Le département des estampes et de la photographie de la BnF conserve plusieurs photos de Constance Quéniaux dont une par Nadar. Pourquoi son nom n’est-il pas apparu plus tôt ? « C’était un secret connu de tous », suggère Sylvie Aubenas. Si Dumas lâche son nom, c’est davantage par ressentiment à l’encontre de Courbet. Avec le temps, Constance est devenue « une femme de bien », « respectable », qui s’adonne aux œuvres philanthropiques. On ne remue pas le passé.

Un autre élément vient corroborer la découverte de Claude Schopp. A la mort de Constance, en 1908, on découvrit lors de la vente de succession un tableau de Courbet représentant un bouquet de fleurs. La composition mêle habilement bouquet et plantes en pots. Sur le côté gauche des fleurs printanières, sur le côté droit des camélias rouges et blancs, « les fleurs vouées aux courtisanes depuis Dumas fils », fait remarquer Sylvie Aubenas. Surtout, au centre, on remarque une plante grasse qui tend vers le spectateur une profonde corolle rouge épanouie et ouverte. « Quel plus bel hommage de l’artiste et du commanditaire à Constance ? », souligne Sylvie Aubenas.

LQ/AFP