L’opéra se veut populaire et s’empare des rues de New York pour un festival inédit. Une manifestation singulière qui renoue avec la tradition des débuts de l’opéra en Italie au XVIIe siècle, avec des spectacles moins corsetés et plus accessibles.
Dans des bars, des appartements et dans les parcs : l’opéra à New York se décline aussi hors du prestigieux Metropolitan Opera, avec la première édition d’un festival destiné à rapprocher cet art du public, renouant avec la tradition plus populaire de ses origines. Plus de 40 troupes de la ville sont ainsi associées pour présenter en mai et juin leurs productions partout à New York, afin «d’offrir une plus grande visibilité à l’opéra» en le rapprochant des habitants et milliers de touristes qui explorent la Grosse Pomme au printemps, explique la New York Opera Alliance.
Entre classiques, œuvres modernes, opéra filmé et trames portant sur l’éducation sexuelle à l’école, le festival rassemble une grande variété de projets, n’exigeant des troupes qu’une participation de 75 dollars pour rejoindre l’affiche du «New York Opera Fest». «Pas besoin de casser sa tirelire pour voir de l’opéra, certains de nos évènements sont même gratuits», soulignent les organisateurs. Et ils se cachent dans tous les recoins de la ville. C’est ainsi dans une riche demeure de Manhattan qu’une troupe, On Site Opera, a décidé de jouer Le Mariage de Figaro dans la version du compositeur classique Marcos Portugal.
«Il est important pour nous de lier l’espace et la trame de l’histoire, souligne Jessica Kiger, directrice exécutive et productrice de cette troupe. Il ne s’agit pas simplement de transposer l’opéra hors de la salle de spectacle mais aussi de trouver un espace qui entre vraiment en résonance avec l’histoire et le lieu où les personnages vivent, ou vivraient, pour que nous puissions créer une véritable expérience d’immersion.»
Retour aux origines
Jouer dans des lieux insolites, comme lorsque sa troupe avait représenté le Pygmalion du compositeur français Jean-Philippe Rameau dans le musée des statues de cire de Madame Tussauds, permet aussi d’offrir des spectacles plus réactifs, les interprètes ajustant plus finement aux réactions du public le développement de leurs personnages. «Pour moi, cela a toujours fait une grande différence. Il s’agit beaucoup plus de débattre de l’identité de votre personnage que de se dire : « C’est là que j’entre sur la musique »», confie Jessica Kiger.
Pour Annie Holt, directrice exécutive de l’alliance de compagnies new-yorkaises, créée il y a cinq ans, les productions à échelle plus modeste du festival renouent avec la tradition des débuts de l’opéra à sa naissance en Italie au XVIIesiècle. «C’est Wagner qui, selon moi, a engendré la conception moderne de l’opéra que nous avons eu durant une grande partie du vingtième siècle, explique-t-elle. Vous restez assis à vous taire et les lumières sont éteintes…»
Des spectacles moins corsetés «sont donc dans un certain sens un retour vers les origines de l’opéra». Certaines compagnies choisissent elles de refléter l’identité de leurs quartiers. La Bronx Opera Company, basée dans le quartier populaire le plus au nord de New York, parie sur des spectacles accessibles et abordables. Si elle les maintient dans un format plus classique, avec chef d’orchestre et grandes scènes, ses deux productions annuelles sont toujours en anglais. C’est ainsi qu’elle représentera La Cenerentola de Rossini en anglais plutôt qu’en italien. «Cet art ne doit pas forcément ressembler à ce qui se fait au Met», explique Ben Spierman, directeur artistique associé de l’opéra du Bronx. «Le Met est un atout fantastique pour la ville, mais il n’y a pas forcément de lien avec ce que nous faisons, en étant plus près des habitants et tournés vers nos quartiers aussi bien au niveau des artistes que des lieux où nous jouons», poursuit-il.
Le «New York Opera Fest» s’organise au moment même où le Met et d’autres grandes salles américaines souffrent de problèmes financiers, sans pouvoir compter sur les mêmes subventions publiques qu’en Europe. Le New York City Opera, fondé au départ pour offrir une alternative plus abordable au public que le Met, a ainsi fait faillite en 2013, croulant sous ses dettes. Les philanthropes et entreprises ont pourtant récemment ressuscité «l’opéra du peuple» et le nouveau New York City Opera s’adressera en juin à un public hispanophone avec Florencia en el Amazonas, œuvre aux touches de réalisme magique du compositeur mexicain contemporain Daniel Catan.
http://nyoperafest.co