Jusqu’à dimanche soir, le théâtre du Centaure -Luxembourg- propose des lectures de texte mis en scène. La Vie matérielle (Marguerite Duras) Le Journal d’une femme de chambre (Octave Mirbeau) : nous avons assisté à une représentation très convaincante mardi soir.
Avouons-le, on a eu un peu peur. On a beau connaître le cycle Bibliothèque des Livres Vivants, connaître les textes qui seront personnifiés sur scène cette année par les comédiennes – La Vie matérielle de Marguerite Duras et Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau –, avoir entendu que la mise en scène commencerait telle une interview radio, etc. au bout d’une dizaine de minutes de spectacle, avec juste Jeanne Werner assise perpendiculaire au public devant son micro, on s’est dit que si la mise en scène se limite à ça, la pièce, malgré la pertinence des textes, allait sembler bien longue.
Une peur, heureusement vite oubliée. Devant son micro, puis autour de la table, face au public ou simplement à elle-même, la comédienne donne vie au livre, à Duras, à ses pensées… avec à la fois beaucoup de sérieux, mais aussi une certaine légèreté. Pourtant pas facile cette Vie matérielle, dans la forme déjà dans le fond ensuite, ça parle d’alcoolisme, de relations homme-femme, de charge mentale, d’amour… Dans le public on rit – jaune –, on est bousculés, atterrés, gênés par les propos. La Vie matérielle crée en tout un chacun, homme et femme, une remise en question sévère et bienvenue sur soi, son comportement en société, sa relation avec le monde. D’autant plus que la comédienne sait y mettre les formes, les silences, les ponctuations !
Il en va de même pour sa camarade Delphine Sabat, qui interprète Le Journal d’une femme de chambre, pas Célestine le personnage central, non, non, bien Le journal… Un journal qu’elle entame sur une intonation monocorde tout en vacant machinalement aux fonctions de servante du personnage – après, tout c’est un journal ! – avant d’évoluer dans la tonalité et le jeu vers quelque chose de plus intense, une nouvelle fois, de plus vivant au fur et à mesure que le texte avance !
Rythmées et poignantes
Les deux performances sont poignantes, rythmées, sans accroches et les deux livres semblent se répondre. Car étrangement, comme chez Duras, il est, chez Mirbeau, question d’hommes qui chassent, de femmes au foyer, du rôle de chacun dans cette société patriarcale, aussi bien chez les nantis que les laissez pour compte.
Le parallèle entre les deux textes saute aux oreilles. Et en ces années post-#Me Too, ces paroles pleines de bon sens, revêtent une force toute particulier. Elle ne sont pas toujours agréables à entendre, mais elles font clairement tilt! Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq était au programme de la Bibliothèque des Livres Vivants l’an dernier au Centaure. Son titre résonne encore cette saison. Comme une évidence. À la fois pique envers la gent masculine, et rappel envers la gent féminine.
Pablo Chimienti