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[Livre] « L’Outsider » (de Frederick Forsyth) : une vie d’aventures


Frederick Forsyth répète que L'Outsider sera son dernier livre. «Je suis comme l'équilibriste sur son fil de fer : il faut être souple pour avancer. Mais moi, je dois arrêter parce qu'aujourd'hui, je suis trop raide!» (photo DR)

Pilote d’avion, journaliste, un peu espion, raconteur d’histoires, auteur de best-sellers. À bientôt 78 ans, le Britannique Frederick Forsyth se raconte dans L’Outsider. Et annonce aussi que c’est là son dernier livre.

livreAvant de devenir le maître du roman d’espionnage , Frederick Forsyth futle plus jeune pilote de la Royal Air Force, puis l’un des meilleurs grands reporters de sa génération. Il revient dans ces mémoires sur son parcours exceptionnel, une vie d’aventures passionnantes qui ont inspiré nombre de ses best-sellers.

Il fut le plus jeune pilote de la Royal Air Force. Journaliste, aussi. Un peu (beaucoup?) espion, également. Et écrivain – avec quinze romans et deux recueils de nouvelles –, il a vendu à ce jour « entre 70 et 80 millions d’exemplaires dans le monde, je ne sais pas trop », confie-t-il. Frederick Forsyth, 78 ans en août prochain, l’homme qui a placé sa vie au service de Sa Majesté mais aussi et surtout au service de l’aventure…

Toute sa vie, toutes ses vies, il les raconte dans L’Outsider , son récent livre. Autobiographie? Mémoires? Livre de souvenirs? À la question, il répond avec une pointe d’humour : « Depuis des années, autour de la table, pendant que le vin coulait, j’avais l’habitude de raconter ces histoires. Je ne me rappelle pas très bien mais peut-être que quelqu’un m’a suggéré de les écrire. Un jour arriva le moment de le faire. Je n’ai pas fait de recherches exhaustives : je n’ai fait appel qu’à mes souvenirs. C’est pour cette raison que je dis que ce sont mes mémoires, et non une autobiographie. C’est ce dont je me souviens, et c’est assez juste! » Et de préciser, dans la foulée, tout de go : « Je ne suis surtout pas un écrivain mais plutôt un raconteur d’histoires …»

«Toute ma vie, j’ai été un outsider!»

Donc, tout a commencé à la sortie de l’adolescence. Plus jeune pilote de la R.A.F. puis journaliste pour la grande agence de presse britannique Reuters, Forsyth parle plusieurs langues. Il sera donc correspondant en Allemagne, à Paris et couvrira nombre de conflits mondiaux. Un jour, en poste à Berlin-Est en pleine guerre froide dans les années 1960, il est contacté par le MI6, les services secrets britanniques, on lui dit : « Si par hasard vous trouviez une enveloppe sous votre porte, feriez-vous quelques courses pour nous? »

« C’est ainsi qu’on se mettait au service secret de Sa Majesté , confie-t-il. On ne nous demandait pas de remplir des missions. Juste de garder les yeux ouverts. » D’aventures en aventures (parmi lesquelles une avec une Allemande qui interprétait des chants nazis quand elle faisait l’amour!), Frederick Forsyth perd de sa superbe, se retrouve sans le sou… Confidences : « J’étais fauché. Rien que des dettes. J’avais cette pensée folle qu’on pouvait gagner un peu de sous en écrivant un roman. Je n’avais aucune idée sur la manière de procéder. Je ne connaissais pas un seul auteur. J’étais reporter free-lance, sans travail …»

Il poursuit : « Janvier 1970, il faisait un froid de canard. Je me suis souvenu de la tentative d’assassinat contre le général de Gaulle. Je l’avais approché comme journaliste et j’avais été très impressionné par ses services de renseignement et de sécurité. A l’époque, je m’étais dit, en pensant à l’OAS : « Ils ne l’auront jamais. Sauf si… » Sauf si un professionnel tente le coup à l’extérieur… Et, en effet, la tentative du Petit-Clamart a eu lieu. Donc, pour écrire le roman, j’ai juste rembobiné : le tueur professionnel a besoin de faux papiers. Il doit trouver une arme. Il voyage. Comment tout cela s’organise-t-il? Comment se procurer un faux passeport? Où trouver un fusil de précision? »

Il publiera ainsi son premier roman en 1971, titre en VO : The Day of the Jackal . En VF : Chacal . Suivront quatorze autres romans (pour la plupart, des best-sellers : Le Dossier Odessa , 1976; Les Chiens de guerre , 1975; L’Alternative du diable , 1979; Le Quatrième Protocole , 1984; Le Manipulateur , 1991; Le Vengeur , 2003; Cobra , 2011 ou encore Kill List , 2015) et deux recueils de nouvelles ( Sans bavures , 1983 et Le Vétéran , 2002), tous traduits en trente-six langues dans le monde entier.

Le cinéma piochera allégrement dans ses écrits – parmi les plus fameuses adaptations , Chacal de Fred Zinneman (1973) et Les Chiens de guerre de John Irvin (1981). De tout cela et de tout le reste, Frederick Forsyth sourit. Insiste : « Toute ma vie, j’ai été un outsider! » Et l’éditeur français a ceint L’Outsider d’un bandeau orange – on y lit : «Les mémoires de l’auteur de Chacal . Aussi fascinantes qu’un James Bond!» Mais il va falloir se faire à l’idée : Frederick Forsyth assure que L’Outsider est son dernier et ultime livre. « Je suis comme l’équilibriste sur son fil de fer , glisse-t-il. Il faut être souple pour avancer. Mais moi, je dois arrêter parce qu’aujourd’hui, je suis trop raide! »

Serge Bressan

L’Outsider, de Frederick Forsyth. Albin Michel.