C’est la rentrée ! Au programme sont annoncés, pour ce seul mois de janvier 2015, 549 romans francophones et étrangers. Parmi eux, Le Quotidien en a, cette semaine, retenu huit.
> « Juliette dans son bain »
Citoyen suisse vivant à Genève, Metin Arditi est né en Turquie. En 2004, il avait reçu le prix du Premier Roman de Sablet pour Victoria Hall. D’autres romans ont suivi, tous de belle facture. Et après La Confrérie des moines volants (2012), il est de retour avec Juliette dans son bain, un de ces textes comme on les aime, inspirés et sincères. Un roman qui ouvre par une citation de Lamartine : « Rien n’est vrai, rien n’est faux : tout est songe et mensonge », et qui enchaîne sur un plateau télévisée, le 11 mai 2000, pour le journal de 20 heures. Le richissime mécène Ronald Kandiotis, « l’homme qui ne donnait jamais d’interview », vient annoncer qu’il fait don à la France de deux tableaux, un Picasso et un Braque, tous deux portant le même nom : Juliette dans son bain. Mais, immédiatement, surgit la question : peut-on devenir richissime sans se faire d’ennemis ? Avec un talent virtuose, Metin Arditi mêle et mène allégrement enquête policière et satire sociale.
Juliette dans son bain, de Metin Arditi. Grasset.
> « Le Monde selon Billy Boy »
Prix Goncourt 2007 pour Alabama Song, Gilles Leroy avance sans tapage. Avec modestie et brio, il construit une belle œuvre. Pour preuve : Grandir, Dormir avec ceux qu’on aime ou encore l’excellent Nina Simone, roman datant de 2013. En cette année nouvelle, il est de retour avec Le Monde selon Billy Boy. Les années 1950 tirent à leur fin ; Eliane, alors âgée de 20 ans, est enceinte, et André, le futur père, a tout juste 17 ans.
Les parents s’opposent au mariage, la mère de la jeune fille la renie, le futur père disparaît. Eliane trouvera-t-elle la force, le courage de porter à terme l’enfant puis de l’élever, seule ? L’histoire prend encore plus de dimension, de valeur, de sens quand on apprend qu’Eliane et André sont ses parents. « Qui aurais-je été, moi, si Eliane m’avait eu d’un autre homme ? », se demande-t-il. Oui, qu’aurait été le monde de Billy Boy ? Un beau texte de questionnement sur la tendresse, l’amour et les origines.
Le Monde selon Billy Boy, de Gilles Leroy. Mercure de France.
> « Hommage de l’auteur absent de Paris »
Par son métier (en l’occurrence, attachée de presse), le monde de l’édition n’a plus aucun secret pour elle. Après avoir assuré une chronique dans une émission télévisée, Emmanuelle Allibert est passée à l’écriture – sur le même thème. C’est donc Hommage de l’auteur absent de Paris, un délicieux livre alerte, enjoué qui emprunte son titre au petit carton que glisse la maison d’édition dans son livre quand l’auteur est absent de Paris (ou qu’il ne souhaite pas, pour une raison ou une autre, dédicacer l’ouvrage).
Ah ! L’auteur… Dans la chaîne de l’édition – une grande famille, comme chacun sait ! –, on le regarde, tel le petit dernier, avec affection mais aussi une pointe de condescendance. Oui, bien sûr, il se comporte en diva mais qu’importe ! Jamais, il n’a le dernier mot. Mieux (ou pis ?) : on le balade de salon en foire du livre, il grogne, il en redemande. Avec tendresse et ironie, Emmanuelle Allibert signe un livre nécessaire. Mieux : indispensable !
Hommage de l’auteur absent de Paris, d’Emmanuelle Allibert. Éditions Léo Scheer. Parution le 7 janvier.
> « La Divine Chanson »
En 1971, Gil Scott-Heron, celui qu’on surnommait le « Dylan noir », assure en chanson : « The revolution will not be televised »… Lui qui se considérait comme un barde dont l’existence et l’œuvre ont été « une seule et même chose : génie et folie », est remis au (bon) goût du jour dans La Divine Chanson, nouveau roman d’Abdourahman A. Waberi. Scott-Heron, c’était une voix d’outre-tombe, et par le talent de Waberi, il nous revient sous le nom de Sammy l’enchanteur. Mieux : son histoire nous est contée par Paris, un vieux chat roux et savant recueilli dans une rue de Harlem. Comme le chanteur enchanteur, l’animal « a le poil hirsute, l’imagination créatrice et la peau sur les os ». C’est parti pour le grand tour, entre ghettos noirs et scènes de jazz pour découvrir ce « grand courant électrique qui rivalise avec le Gulf Stream ».
La Divine Chanson, d’Abdourahman A. Waberi. Zulma. Parution le 7 janvier.
> « Aucun homme ni dieu »
En 2011, il avait débarqué dans le monde des livres avec éclat, avec un premier roman simplement titré Busy Monsters. À 40 ans, Américain du Connecticut et collaborateur de la prestigieuse New York Book Review, William Giraldi pointe à nouveau le bout de sa plume avec Aucun homme ni dieu. Outre-Atlantique, ce nouveau roman a été salué par Denis Lehane (« épique, implacable ») ou encore Daniel Woodrell (« puissant, dur et impitoyable ») et emmène le lecteur à Keelut, un village aux confins de l’Alaska, là où l’hiver n’épargne rien ni personne. Il n’y a plus de caribous, mais des loups. Il y a aussi une journée de chasse avec, pour décor, la toundra glacée. Il y a également des morts, des disparus… Et la splendeur de la neige. Un roman qui chante la nature, entre fable et hallucination.
Aucun homme ni dieu, de William Giraldi. Éditions Autrement. Parution le 7 janvier.
> « J’aimais mieux quand c’était toi »
Une belle ouverture, on y lit : « Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assise sur ce banc (…) Je croyais décider et maîtriser. Je croyais vivre. » Et nous voilà lancés dans la foulée de Nelly, comédienne de profession. Sa vie est réglée au quotidien : sur la scène du théâtre, elle est la « mater dolorosa » des Six personnages en quête d’auteur de Pirandello. Un soir, la bascule : elle reconnaît au cinquième rang un homme, ça va bouleverser son jeu, elle est victime d’un vertige, quitte la scène. On la retrouve sur un banc de la garde de l’Est, c’est un long monologue qui va illuminer J’aimais mieux quand c’était toi, le nouveau et très réussi roman de Véronique Olmi. Et cette question lancinante : Nelly va-t-elle retrouver l’homme ? Osera-t-elle partir à sa recherche, quitte à souffrir encore et encore plus ? Un roman du basculement, tout en émotions feutrées et violentes.
J’aimais mieux quand c’était toi, de Véronique Olmi. Albin Michel. Parution le 7 janvier.
> « Par la fenêtre »
La critique est unanime : Julian Barnes, 69 ans le 19 janvier prochain, né à Leicester, est certainement l’un des meilleurs écrivains britanniques, voire le meilleur si l’on pense à son récent Une fille, qui danse. Et son nouveau livre, Par la fenêtre, en est une confirmation supplémentaire. Au menu, dix-huit chroniques et une nouvelle – la façon la plus indiquée pour entrer par la fenêtre dans ce monde de romanciers qui lui ont fait connaître « ce lien profondément intime qui s’établit quand la voix d’un écrivain entre dans la tête d’un lecteur ».
Et défilent alors Rudyard Kipling, George Orwell, Chamfort, Félix Fénéon, Madox Ford, Penelope Fitzgerald, Hemingway, Lorie Moore, John Updike, Flaubert, Madame Bovary et même… Michel Houellebecq. Au fil des pages, Barnes brille par son érudition et toujours avec une élégance extrême, sans jamais la moindre ostentation. Mieux : dans cette balade littéraire, l’écrivain anglais manie avec un bonheur inégalé l’humour qui illumine ce florilège. Un bonheur rare, à consommer sans la moindre modération !
Par la fenêtre, de Julian Barnes. Mercure de France.
> « Baronne Blixen »
Une femme et plusieurs destins. Voilà qui vaut bien un roman, encore plus qu’une biographie. Donc, Dominique de Saint Pern, journaliste à la belle réputation, s’est laissé prendre et embarquer dans le sillage de la Danoise Karen Blixen (1885-1962). Nous avons donc Baronne Blixen, un livre que l’éditeur prend grand soin d’estampiller « roman ». Celui d’une vie qui mène du Danemark à une ferme au Kenya, d’une femme qui, folle d’aventure(s), a pratiqué l’écriture, la chasse, la réception d’invités prestigieux en son domicile… Ou encore l’amour, ayant aimé passionnément, entre autres, Thorkild Bjørnvig, un poète de trente ans son cadet. Karen Blixen était une belle écrivaine, une sacrée démiurge… Et Dominique de Saint Pern a écrit le roman vrai, le récit d’une immersion dans la vie d’une baronne, de Baronne Blixen. Un texte étourdissant, furieusement romanesque.
Baronne Blixen, de Dominique de Saint Pern. Stock.
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan. (Photos : DR/François Guillot/AFP)
Just to think that many people will read the « Baronne Blixen » book without having read first any original work by Isak Dinesen makes me furious. Can a mediocre journalist put herself in the mind of a subtle and deep writer of the highest caliber? Obviously not and this book is the proof. Shallow, sentimental, telling second-hand stories in a gossipy cheap way that makes you hate every single character in the book. I can’t remember another book that has made me feel such rage against the author. I was thoroughly disgusted from beginning to end and I still don’t understand what is the motivation for writing such garbage.