Avec « Urbs – Fragmenta Romana », un ouvrage photo magnifique et vertical, le photographe Phil Deken propose un regard aiguisé et étonnant sur la ville de Rome.
En feuilletant Urbs, on se dit que Phil Deken a dû habiter la capitale italienne pendant de longues années pour la présenter de la sorte, pour connaître ainsi ses secrets, ses détails, ses paradoxes temporels, religieux, lumineux… (Photos : Phil Deken)
C’est une déclaration d’amour à la ville de Rome que fait le photographe Phil Deken, avec Urbs. Mais pas à la Rome des cartes postales, des visites guidées, du Colisée, du Vatican ou encore de la fontaine de Trevi. Le Grand-Ducal, qui a découvert la Ville éternelle la cinquantaine passée, s’intéresse, avec son œil alerte, son esprit érudit, sa poésie et pas mal d’humour, aux détails et paradoxes de cette ville étonnante.
En feuilletant Urbs, on se dit que Phil Deken est très certainement un habitué des ruelles de Rome, de ses dédales, de ses gens, de ses monuments… On se dit qu’il a dû habiter la capitale italienne pendant de longues années pour la présenter de la sorte, pour connaître ainsi ses secrets, ses détails, ses paradoxes temporels, religieux, lumineux…
Il n’en est rien. Les 115 photos présentes dans Urbs ont été prises, « lors de deux semaines de vacances passées à Rome au printemps et à l’automne 2012 », avoue le photographe. Deux semaines seulement mais au cours desquelles le Français naturalisé luxembourgeois explique avoir marché plus de dix heures par jour, hors des sentiers battus, de jour, comme de nuit. « Je suis passionné de street photographie », lance-t-il. « J’ai toujours aimé photographier les villes, je traîne pendant des heures et je shoote », ajoute-t-il. Alors, pourquoi ce projet sur Rome ? « J’ai tout de suite vu le potentiel de cette ville. Rome est un émerveillement continu, une ville incroyable. D’ailleurs, ce livre, ces photos, prises alors que je découvrais la ville, témoignent de mon étonnement ».
Étonnement est également le sentiment qui prend le lecteur à la découverte du livre. D’abord, à cause de sa forme, verticale, puis par la qualité de son impression, de son papier et de son lin, par les photos à la fois magnifiques et décalées qu’il présente et par les textes et les titres des clichés, tantôt drôles, tantôt érudits, tantôt décalés qui les accompagnent.
> Une visite de Rome hors du commun
Et ça commence dès la première page, avec cette femme de dos, élégante et sexy dans sa robe moulante et sur ses talons aiguilles, qui semble inviter le lecteur à la suivre. « À vos marques », titre d’ailleurs le photographe. Et c’est parti pour cette visite de Rome hors du commun. Entre jeux de lumière, jeux de perspective, jeux de couleurs… la ville semble se donner à Phil Deken, s’offrir à lui. Et lui, bien évidemment, se fait un plaisir de trouver le bon angle, le bon titre, le bon texte pour que l’ensemble prenne une signification nouvelle.
Avec cet Urbs, il est très probable que même les Romains redécouvrent leur cité. « J’aime beaucoup ces photos », explique Francesco Neri, directeur de l’Institut culturel italien de Luxembourg (qui cessera d’exister le 31 décembre), qui a aidé financièrement à la réalisation du livre. « Elles sont très originales, les monuments sont réinterprétés avec philosophie ou humour et les gens sont mis à nu », explique celui qui a vécu quatre ans dans la Ville éternelle. Du doigt majeur levé d’une statue d’ange au profil de femme qui se dessine sur une flamme ou encore de la statue ailée qui semble vouloir arrêter de sa main l’oiseau qui se dirige vers elle, Phil Deken a l’œil, et la patience d’attendre plusieurs heures pour avoir le bon angle, le bon cadre, la bonne lumière.
Résultat, c’est avec délectation qu’on tourne les 208 pages du livre. Qu’on s’arrête sur les clichés, qu’on revient en arrière pour mieux comprendre un titre, qu’on cherche les détails comme ce dessin d’une sainte caché dans l’ombre derrière un prêtre en train de lire, ce cheval de carabinier qui semble saluer avec dévotion le cheval de la statue de Garibaldi ou encore cette pluie qui entre dans le Panthéon à travers le trou de son toit.
Le livre, auto-édité, est en vente au prix de 57 euros. De l’argent qui rembourse à peine le prix de revient et paye un peu l’imprimeur et les librairies. Phil Deken, lui, ne fait aucun bénéfice là-dessus. « J’ai assez d’argent pour vivre confortablement et la chance de pouvoir faire de la photo juste pour le plaisir ». Une vingtaine de clichés du livre sont en outre à découvrir à Luxembourg à la brasserie de l’abbaye de Neumünster jusqu’au 8 février prochain.
De notre journaliste Pablo Chimienti