Hier géographe, Michel Bussi a publié son premier roman, Code Lupin, en 2006. Aujourd’hui, à 56 ans, il figure parmi les cinq plus gros vendeurs de livres en France et a bouclé l’année 2021 à la quatrième place du classement (721 000 exemplaires vendus). Avec Nouvelle Babel, son tout récent roman dédicacé «à la Terre entière», on retrouve le maître de «l’art du twist» tenter une incursion dans un nouveau genre littéraire : «J’avais très envie d’écrire un roman de science-fiction», confie le romancier qui se présente comme «le produit de toute une culture populaire en mouvement des années 1970 et 1980, bien plus que de l’enseignement académique».
L’éditeur promet, avec Nouvelle Babel, «un monde où les distances et les frontières ont été abolies». Et lecteurs et lectrices sont emmenés en Polynésie… On lit : «Comme chaque matin, Rupert Welt contemplait la longue plage blanche de Tetamanu. Si la téléportation n’avait pas été inventée, ça n’aurait rien changé, il aurait pu vivre le reste de sa vie ici, dans cet atoll des Tuamotu ensoleillé toute l’année, loin de toute terre habitée. Il fit quelques pas dans le sable et rappela son chien…» Aux chapitres suivants, on se retrouve au port d’Hong Kong, dans la forêt de Troodos, à Chypre, au musée de la Locomotive à Amsterdam avant de revenir à Tetamatu… L’un demande : «Combien de victimes, Artem?», l’autre lui répond : «Dix. Cinq couples. Tous retraités. Ils avaient acheté ensemble ce bout d’atoll pour y vieillir en paix. La plupart tués dans leur lit, pendant leur sommeil.»
On est en 2097, l’espagnol est la langue de toute l’humanité et le monde n’est plus qu’un seul État sans frontières dont le gouvernement va fêter le centenaire de la téléportation quantique. À nouveau, on lit : «La méthode, calme et systématique, du tueur terrifia les trois enquêteurs. Qui était cet assassin progressant à visage découvert? Déjà, leurs « tabletas » se connectaient aux bases de données planétaires de reconnaissance faciale. Plus personne ne pouvait rester anonyme dans le monde actuel.» L’affaire, sous la plume de Michel Bussi, va être rondement menée : trois policiers, un journaliste ambitieux et une institutrice nostalgique s’engagent dans une folle course contre la montre. En cette fin de XXIe siècle, dans ce monde où les guerres ont été éradiquées et dont la devise est «un seul peuple, une seule Terre», la technologie permet à quiconque d’être, simultanément, ici et ailleurs… Explication de l’auteur : «Je voulais faire un roman policier qui s’inscrit dans la logique des précédents, (avec) cette particularité assez forte : cette enquête policière se déroule (…) dans un monde où on a inventé la téléportation humaine, c’est-à-dire qu’on peut se déplacer à la vitesse de la pensée.»
Une fois encore, Michel Bussi pratique le suspense de façon jubilatoire
Une fois encore, l’auteur pratique le suspense de façon jubilatoire. Évoquant l’art et la manière, il glisse : «Dans ces récits d’anticipation, un peu futuristes, au-delà d’amuser le lecteur et de le faire voyager, il y a quand même cette envie de le faire réfléchir.» Et dans un autre livre à paraître, La Fabrique du suspense, il donne quelques ingrédients de cet «art du twist» qui s’est imposé à lui lorsque, à 11 ans, il a lu Mort sur le Nil : «J’ai cherché méthodiquement à comprendre la mécanique des romans d’Agatha Christie, son art de brouiller les pistes, son machiavélisme à désigner un coupable inattendu. Je les ai décortiqués, j’en ai détricoté la construction. J’ai ouvert le capot pour examiner en détail la conception du moteur…» Comme ça, l’air de rien, Nouvelle Babel pose la question : ce monde sans frontières où l’on se déplace sans contraintes, est-ce l’idéal humain? Question de géographe…
Michel Bussi – Nouvelle Babel
Éditeur Les Presses de la Cité
Serge Bressan